MICHEL GOISLARD ©

D'AUCH À PUENTE LA REINA

JUIN 2001

Si la lecture de cette plaquette
parvient à distraire
quelques téméraires,
alors j'en serai heureux.


CETTE HISTORIETTE EST, en quelque sorte, la suite de la relation de la marche effectuée par quatre pèlerins, en juin 2000, sur le Chemin d'Arles (d'Arles à Castres). Avec de nouveaux venus recrutés principalement par la dévouée Arlette, trois des quatre s'y retrouvent : Arlette, Marcel et moi. Les oreilles de Jean, l'absent, qui, outre quelques obligations, avait un autre et plus important projet de pérégrination, ont dû quelquefois lui siffler.
Nous devons un grand merci à Marie-Françoise Migeot, présidente des Amis de Saint Jacques de Compostelle dans le Gers, pour son aide efficace lors de la préparation de la partie française du présent "bout" de pèlerinage.

28 mai 2001 - Auch - Montesquiou, 28 kilomètres, dont 16,5 à pied

Visite de la flamboyante cathédrale d'Auch. À l'intérieur, magnifique retable, richesse des stalles du chœur, entre autre Adam et Ève représentés avec leur nombril (!), sièges de miséricorde, accoudoirs ornés de curieux et quelquefois peu religieux motifs sculptés... La journée s'annonce caniculaire. En conséquence, de manière à réduire la première étape, la décision est prise d'emprunter, exceptionnellement, des taxis pour se rendre jusqu'à Barran, à une douzaine de kilomètres d'Auch.

Photos du groupe des neuf partants devant le clocher torsadé de Barran : Michèle, de Versailles ; François, médecin retraité de Saint-Dié; Michel, de La Chatre-l'Anglin ; Sylvie, de Paris ; André, de Suresnes ; Marie-Louise, de Cognac ; Geneviève, de Paris ; Arlette, de Courbevoie et moi, toujours du Mesnil.

Sacs complets sur le dos, sous un fort soleil, sans un souffle d'air, marche jusqu'à Montesquiou, bourg haut perché ceint d'un chemin de promenade. C'est tout de même assez dur pour un premier jour. Très gentil accueil au bar de Montesquiou dont le patron a tenu, gracieusement, à emmener deux dames en voiture jusqu'à la ville la plus proche, pour faire les provisions nécessaires au dîner, au petit déjeuner et au casse-croûte de demain à midi. Car, aujourd'hui lundi de Pentecôte, la seule alimentation du bourg est fermée.

Le bon gîte de Madame Deneulin, certainement prévenue de notre arrivée, est découvert par Sylvie. Arrivée confirmée à la mairie le matin même par téléphone. Sept d'entre nous y dormiront. Michèle et Anne-Marie ont pu loger au bar-hôtel. La salle communale mise à notre disposition, est équipée d'une cuisine. Nous avons dressé une table sur la large pelouse bordant la promenade et, un magnifique panorama sous les yeux, dans une très agréable ambiance, nous nous sommes régalés d'un dîner bien préparé par les dames. Sylvie, bonne et méritante cuisinière, s'est attribuée la seule chambre individuelle disponible, équipée d'un grand lit, chez Madame Deneulin. François a essayé son matelas auto-gonflant sur le parquet.

Quant à moi, en descendant maladroitement mon sac, le lendemain matin, j'ai réussi à casser un grand pot de fleur dont la terre s'est répandue dans l'escalier sans contre-marches... La honte. Balai, pelle, mot d'excuses...

29 mai - Montesquiou - Marciac, 21 kilomètres.

L'idée de faire porter par taxi une partie du contenu de nos sacs, d'une étape à l'autre, est adoptée avec enthousiasme et à 1'unanimité. L'une ou l'un d'entre nous se dévouera, à tour de rôle, pour en assurer le convoyage. Le gentil patron du bar de Montesquiou a tenu à nous rendre, gratuitement cet appréciable service, jusqu'à Marciac, ville du jazz, où nous sommes logés et nourris à l'hôtel des Comtes de Pardiac, à des conditions " pèlerins ".

30 mai - Marciac - Maubourguet, 17 + environ 3 kilomètres.

À Marciac, le patron de l'hôtel des Comtes de Pardiac a, lui aussi, tenu à nous assurer le convoyage des excédents de bagages jusqu'à Maubourguet. Michèle, de corvée de bagages, est venue loin au devant des marcheurs pour les encourager - quelques-uns en avaient besoin - à terminer les derniers kilomètres, sur la route, en plein soleil et les conduire jusqu'à l'hébergement éloigné de la ville : au Domaine de la Campagne, où, après une reposante attente dans le parc, heureusement, à l'ombre, l'autorisation d'utiliser la piscine fut très appréciée. Des vélos nous sont prêtés pour aller chercher le ravitaillement du lendemain. Table d'hôte en plein air. Grillades. À qui la chambre individuelle ?

31 mai - Maubourguet - Labatut, 13 + environ 4 kilomètres.

Au château de Labatut, environ une demi-heure avant l'arrivée au sympathique gîte équestre de Lou Cassou (le chêne), nous avons rencontré Abel, cycliste septuagénaire qui, semble-t-il séduit par la gracieuse silhouette de Sylvie, a proposé de l'accompagner jusqu'au petit bourg où il nous a fait découvrir des artisans boulangers sourds-muets, producteurs d'un savoureux et exceptionnel pain, bien sûr de campagne.

Au gîte, nous avons fait connaissance de Jean-Paul, médecin récemment retraité, athlétique pèlerin à pied, parti seul d'Alès. Il avale, nous dit-il aisément, des étapes quotidiennes d'environ quarante kilomètres. Le sympathique Jean-Paul projette d'aller, à ce rythme, jusqu'à Santiago. Récemment hospitalisé et recousu à la suite d'une chute en chemin, il porte un pansement au front. Un athlète de Dieu. Il n'y a qu'une chambre individuelle disponible.

1er juin. - Labatut - Morlaàs. 32 kilomètres.

Dîner, coucher et petit-déjeuner à l'hôtel de France. Lavage, séchage et repassage du linge assurés par le personnel de l'hôtel. C'est agréable mais cela ne se rencontrera plus. Intéressante visite de l'église Sainte-Foy, du XIe siècle, commentée avec passion et compétence par la responsable du syndicat d'initiative. Le portail restauré par Viollet le Duc... La porte des cagots...

Arrivée de Catherine, de Paris, rencontrée, en octobre dernier, de Ponferrada à Santiago. Catherine est une artiste sculpteur. Bien chargée, en plus de son lourd sac à dos, elle porte un bagage à main dont elle ne voudra jamais se défaire.

2 juin - Morlaàs - Lescar, 15 kilomètres.

Cette partie d'étape ne fut guère éprouvante pour moi, chargé à mon tour d'assurer le convoyage des excédents de bagages, en taxi, jusqu'au gîte jacquaire de Lescar. Lescar, ville septenaire : sept églises, sept portes, sept tours, sept moulinss, sept fontaines, sept bois et sept vignes. Bien sûr que j'ai trouvé ça sur un dépliant touristique.

Visite de la cathédrale Notre-Dame, classée monument historique, nécropole des rois de Navarre, qui abrite, entre autre, une remarquable mosaïque représentant un jeune esclave estropié, courant, équipé d'une étonnante prothèse et, de plus, tirant à l'arc. Visite bien commentée par une savante dame intéressante et, me semble-t-il, un poil intéressée.

Nous sommes attendus au gîte des pèlerins tenu par l'association locale des Amis de Saint Jacques. Les possibilités d'accueil y sont modestes : six lits complétés si besoin par quelques matelas au sol. Les deux responsables du gîte nous attendaient. Ils sont désolés car, depuis quelques jours et à leur corps défendant, ils hébergent un squatter suisse qui, paraît-il, est loin d'être dans le besoin. Bien que ce dernier leur ait promis de partir, ses affaires sont toujours éparpillées dans le gîte. Les dévoués hospitaliers remettent de l'ordre en attendant l'arrivée du coquillard indésirable dont ils ont rassemblé et sorti les bagages.

Michel, de La Chatre, et André, de Suresnes, nous quitteront ce soir, appelés qu'ils sont par leurs obligations familiales. Plusieurs fois depuis Auch, Michel a tenu à déclarer qu'il était athée. Il marche pour la première fois sur un chemin de Saint Jacques et il m'a dit qu'il aimerait continuer. À suivre. Michèle part rendre visite à un couple d'amis, tout récemment installés à Pau dont nous sommes près. Elle nous retrouvera demain soir, à Oloron-Sainte-Marie.

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Lescar - La Commande, 12 kilomètres.

En fin d'après-midi, François, Arlette et moi, au risque de coucher dans la nature, partons pour La Commande, située à une douzaine de kilomètres, sacs complets sur le dos. Consulté à plusieurs reprise, le répondeur de la mairie de la Commande nous a informé qu'il n'y avait que deux demi-journées de permanence par semaine. Y a-t-il réellement un gîte ?

Les sacs sont lourds, le soleil tape dur et ça grimpe. À l'arrivée, avec soulagement, nous découvrons et nous nous faisons aimablement ouvrir un beau gîte inoccupé de quatre lits. Inutile de sortir les matelas auto-gonflants. La boîte de lentilles est mise à baigner, fermée, dans l'eau chaude de l'évier. Ce sera un régal. Le lendemain matin, nous décidons d'alléger nos sacs en laissant les excédents de bagages à La Commande. Nous reviendrons les chercher le soir même, en taxi et en touristes, depuis Oloron-Sainte-Marie.

Partant de La Commande, l'idée nous vient de faire demi-tour pour aller au devant de Michèle qui, hébergée par ses amis de Pau, marche aujourd'hui avec un sac complet. Elle n'était pas loin derrière nous.

Par la suite, j'ai appris que le squatter du gîte de Morlaàs s'est présenté, en fin d'après-midi et, furieux d'avoir été viré, a été suffisamment désagréable pour nécessiter l'intervention des gendarmes. Par chance, Jean-Paul, d'Alès, en bon médecin, a su calmer le caractériel personnage aux imprévisibles réactions avant l'arrivée de la maréchaussée.

3 juin - Lescar - Oloron-Sainte-Marie, 30 kilomètres.

Il paraît que cela a été chaud mais pas trop dur pour ceux qui, partis de Lescar, ont couvert les trente kilomètres. Catherine s'est portée volontaire pour assurer le transport des excédents de bagages par taxi. Il faut dire que cette corvée ne soulève pas un grand enthousiasme.

La Commande - Oloron-Sainte-Marie, 18 kilomètres.

Regroupement, réhydratation et dîner au café-restaurant de la Poste où nous retrouvons l'athlétique Jean-Paul.

Hébergement au Bialé, grand gîte communal très bien tenu ouvert seulement à partir de 18 h 30. Un vaste dortoir, au troisième étage, est mis à notre seule disposition.

Visite de la cathédrale, sous la conduite d'une brave dame. Dominant la ville, l'église romane de Sainte-Croix est pourvue d'un bon commentaire enregistré, avec accompagnement de chants et de jeux de lumières.

4 juin - Oloron-Sainte-Marie - Sarrance (altitude 400 mètres), 20 kilomètres.

J'ai été attendre l'ami Marcel, mon aîné d'un an, au car S.N.C.F. de 10 heures. Nous commençons à avoir couvert ensemble quelques kilomètres sur les chemins de Saint Jacques. Il était passé, en 1993, à Oloron-Sainte-Marie, lors de son premier pèlerinage sur le Chemin d'Arles dont il a gardé quelques forts souvenirs. Fier de mes connaissances toutes fraîches, je l'ai emmené visiter la cathédrale et écouter l'enregistrement de l'église Sainte-Croix.

À nous deux, convoyage des excédents de bagages jusqu'à l'accueil des pèlerins de Sarrance tenu par le père Joseph Domecq, prêtre sensible et plein d'humour. Dîner aux lentilles, toujours excellentes. Visite du musée de la Vierge noire et de l'église de la Vierge de pierre (c'est la même). Quelque chose émane de ce visage à peine sculpté dans une pierre naturellement polie.

5 juin - Sarrance - Etsaut (altitude 590 mètres), 21 kilomètres.

Les déjeuners dans la nature sont parmi les bons moments du chemin. Outre le plaisir de poser le sac et, ensemble, de s'asseoir à l'ombre, Marcel et moi, sans protester trop fort, nous nous laissons servir par les dames qui préparent les tartines et partagent les fruits. Chemin faisant, nous rencontrons une souriante pèlerine, solitaire et lourdement chargée. C'est Téma, brésilienne d'une cinquantaine d'années, depuis longtemps sur le Chemin. Elle projette de prendre la voie de la côte pour rejoindre Santiago. Elle s'arrêtera plusieurs fois aux mêmes gîtes que nous. J'ai entendu dire qu'elle avait une silhouette convenable pour danser la samba...

Marchant, comme très souvent, en compagnie de Marcel et distrait par l'intérêt de la discussion, je l'ai entraîné, à la sortie de Bedous, sur un beau chemin qui n'était pas le bon. L'absence de balises a fini par attirer notre attention. Dans la bonne humeur, nous avons fait un détour de cinq bons kilomètres. Dîner, petit-déjeuner et nuitée à la Maison de l'Ours, gîte associatif tenu par Frédéric, sympathique jeune homme, excellent cuisinier et grand utilisateur de téléphone portable. Le temps s'est rafraîchi. Des orages sont attendus.

6 juin - Etsaut - Col du Somport (altitude 1632 mètres), 17 kilomètres.

Quelques-uns ont aperçu le chemin de la Mâture d'Etsaut, utilisé de 1766 à 1776 pour convoyer les troncs d'arbres destinés à fabriquer les mâts des navires de la Marine royale. Ce chemin taillé dans la falaise permettait de transporter, sur 1600 mètres et à plus de 100 mètres du fond de la vallée, des troncs longs de 33 mètres et lourds de 15 tonnes. Tous ont vu le fort du Portalet, fortin du XIe siècle, place forte sous Louis-Philippe, ensuite prison d'État. Daladier, Blum, Reynaud, Mandel, Gamelin et Pétain en furent de célèbres pensionnaires.

L'excédent de bagages convoyé par le responsable de la Maison de l'Ours jusqu'au très propre gîte autogéré du col du Somport. Il a dû faire deux voyages, car, lors de la première tentative, la circulation était interrompue pour cause de travaux routiers. Au gîte, dîner comme d'habitude bien préparé par les dames. Vaisselle magistralement effectuée par deux messieurs. Sympathique feu dans la cheminée du réfectoire.

En soirée, le fils de Marie-Louise vient chercher sa maman en voiture. C'est une surprise, car elle attendait son époux le lendemain matin. Ils rayonnent tous les deux de bonheur.

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7 juin. - Col du Somport - Canfranc station (en taxi), Canfranc station - Jaca (en car), 30 kilomètres.

Le matin, au virage devant le gîte, utile entretien de Marcel avec les deux gendarmes chargés de stopper les poids lourds. Ils nous apprennent que les cars également ne passent plus, toujours pour cause des travaux routiers. Et cinq d'entre nous avions convenu de prendre un car, avec les excédents de bagages du groupe, jusqu'à Canfranc station...

Pas d'affolement. Il y a une cabine téléphonique à proximité. Nous réussissons à joindre l'unique taxi de Lurbe-Saint-Christau qui accepte de nous convoyer, avec le tas de bagages, jusqu'au terminus de la ligne de cars où il est convenu que nous attendent Michèle, Sylvie et François, partis de grand matin.

En fait, ils iront quatre kilomètres plus loin, à Canfranc. Ne nous voyant pas venir et peut-être pris d'un doute, le groupe des trois délègue Sylvie qui a réussi à se faire véhiculer en stop afin de nous retrouver à Canfranc " Estación " où, assis sur les bagages et inquiets, nous attendions depuis un certain temps ne sachant ni comment ni où les joindre car nos téléphones mobiles sont, en cette région, inutilisables.

L'élégante messagère nous explique que nous avons fait une erreur, que le rendez-vous convenu était à Canfranc... Le doute s'installe dans nos têtes. Le chauffeur de taxi ne nous aurait-il pas déposé au bon endroit ? Et non. Après nouvelle vérification, le terminus du service de cars qui passent au col du Somport est bien Canfranc Estación. Sylvie, sûre d'elle, refuse ma proposition - peu innocente il est vrai - de se charger des excédents de bagages et repart à vive allure. Il ne nous reste plus qu'à attendre, toujours assis sur les paquets du groupe, le car d'une autre ligne, passant seulement l'après-midi, pour atteindre Jaca... C'est un malentendu.

Nous avons ainsi eu l'occasion et le temps de bien voir la gare monumentale qui, depuis 1928, attend la ligne ferroviaire qui, en traversant les Pyrénées, reliera la France et l'Espagne. Nous attendons le car, la gare attend la ligne. À chacun son attente.

Très intéressante visite du musée d'art sacré installé dans les dépendances du cloître de la cathédrale de Jaca. De nombreuses et grandes fresques du XIIe siècle y sont présentées. Le prêtre qui délivre les billets nous explique la méthode, par encollage sur toiles de lin, de leur récupération et de leur report, sur d'étonnants supports modernes.

Le soir dans la ville après avoir attendu et enfin retrouvé le groupe de tête pour leur remettre leurs bagages, nous croisons un personnage à la face transpirante fortement colorée. Coiffé d'un large chapeau de paille aux ailes élégamment relevées, il porte, ostensiblement, une grande coquille et un grand crucifix qui, pendus à une ficelle, cliquettent sur sa poitrine. Il aborde Marcel pour lui demander l'aumône. Et nous comprenons au parfum de son haleine qu'il n'a pas étanché sa soif à l'eau des fontaines. Drôle de pèlerin...

8 juin. - Jaca - Santa Cilia de Jaca - San Juan de la Peña - Arrés - Berdún, une vingtaine de kilomètres à pied.

Deux groupes se forment : celui des véloces composé de Michèle, Sylvie et François et celui des moins rapides comprenant Arlette, Geneviève, Catherine, Marcel et moi. C'est mieux ainsi. Chacun selon ses idées, son rythme et ses moyens. Formule que j'ai proposée, à de nombreuses reprises. Arlette tient beaucoup à visiter le monastère de San Juan de la Peña et nous ne résistons pas au plaisir de l'accompagner et aussi au plaisir de découvrir cet étonnant monument national qui mérite largement le détour.

À la halte, café con leche et croissants. La patronne du bar de Santa Cilia de Jaca, assistée de nos interprètes favorites, nous trouve un grand taxi venant de Jaca dont le volubile chauffeur accepte de nous conduire jusqu'au site renommé, de nous y attendre une bonne heure et enfin de nous déposer, sur le chemin, je crois bien à Arrés. Sylvie, bonne marcheuse parvenue au gîte de Berdún au début de l'après-midi, a trouvé un automobiliste espagnol qui rentrait à Jaca et, de là, elle a profité de son tour de bagages pour se faire conduire et visiter également le fameux monastère.

Le joli village de Berdún, perché sur une colline, domine les vallées alentour. C'est un endroit où quelques-uns d'entre nous aimeraient vivre. Au gîte de Berdún, il y a une chambre individuelle.

9 juin. - Berdún - Yesa (en car), Yesa - Monastère de Leyre (à pied).

Le système de portage des excédents de bagages est abandonné. Il ne soulève plus le même enthousiasme et, de plus, il devient difficile, loin des villes, de trouver un taxi à des conditions raisonnables. Nous porterons donc nos sacs complets, ce qui, à mon avis, correspond mieux à l'esprit du pèlerinage et accessoirement, nous amène à réfléchir sur les moyens d'alléger la charge pour la prochaine fois. Ne pas dépasser le dixième du poids du marcheur est toujours un objectif raisonnable.

Grâce à Geneviève, bonne interprète et émouvante téléphoniste, nous sommes, exceptionnellement, acceptés au monastère de Leyre, haut lieu religieux et touristique. Accueillis par le père hospitalier Ignacio, nous retrouvons un curé allemand déjà rencontré qui, pour l'occasion, s'est intégré à notre groupe. Ce doux pèlerin, discret utilisateur de transports en commun, est passé, à nos yeux et à nos oreilles, par plusieurs nationalités : il a commencé par être diagnostiqué comme anglais puis, après nous être aperçu qu'il ne comprenait pas notre anglais, nous avons décidé qu'il était flamand, ce qui ne le gênait pas du tout. Après examen plus sérieux, il nous a expliqué, en allemand, qu'il était prêtre à Augsbourg... ça va être dur l'Europe.

Visite de la crypte du monastère dont une solennelle beauté se dégage de l'assemblage sans défaut des pierres massives des chapiteaux et des voûtes, le tout supporté par de courtes et fortes colonnes sans piédestal. Offices dans l'église aux nefs latérales asymétriques. Les ouvertures habillées d'albâtre y filtrent une douce lumière. Aperçu, deviné car la nuit tombe, sur le portail du XIIe siècle, surplombant le riche tympan, une grande statue de saint Jacques entre saint Michel et le Sauveur.

Les repas nous sont servis dans une salle aux vastes dimensions dont le grand côté est occupé par un riche retable baroque. Pas de chance, les photos au flash sont vivement déconseillées par le père hospitalier.

Les dames dormiront dans cette même salle, sur des matelas posés au sol. Les messieurs sont logés dans un petit dortoir de trois lits. Guidé par Marcel qui le voyait désemparé, le brave curé allemand est lui aussi couché sur un matelas au sol, dans un local de rangement des balais.

Nous avons appris par la suite que les bons moines ne souhaitaient plus recevoir car ils ont été victimes de drôles de pèlerins qui n'avaient pas eu peur, avant de les quitter, de charger discrètement leur sac avec divers objets d'art religieux. Encore bravo à toi, Geneviève qui, au téléphone, avais réussi à convaincre le père hospitalier de nous accepter dans ce lieu unique.

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10 juin. - Monastère de Leyre Xavier - Sangüesa, 14 kilomètres.

De Yesa jusqu'à la grande et très intéressante exposition sur la vie de saint François Xavier, premier compagnon de saint Ignace de Loyola, une pluie continue et sans violence nous donne l'unique occasion de sortir les ponchos. Exposition installée dans un bâtiment récent, derrière un parking, en bordure de route, à quelques kilomètres de Xavier, lieu de naissance de saint François.

À Xavier, endroit très touristique : cars, baptêmes, communions, mariages et banquets conséquents, la messe, dite dans l'église accolée au château, est diffusée à l'extérieur par de puissants haut-parleurs. Je n'ai pas trouvé cela de très bon goût.

Hébergement, plus loin, à l'albergue de peregrinos de Sangüesa tenu par les sœurs également chargées de la maison de vieillesse où nous devons nous présenter pour obtenir la clé du gîte et le cello. Le patron du "1921", restaurant recommandé où nous avons dîné, avait indiqué, sûr de lui, à Geneviève et Catherine, nos deux interprètes, que l'unique car de la matinée pour Monreal partait de Sangüesa à neuf heures. Et c'est ainsi que nous avons manqué l'unique car en question qui, en réalité, partait à huit heures. Désolation... Concertation... Décision... de retourner à l'auberge des pèlerins pour tenter d'y laisser nos sacs jusqu'à l'heure du prochain car, à quinze heures.

Dans sa tenue immaculée, la sœur Carmen y faisait le ménage. à sa blanche crinière, elle reconnaît Marcel qui avait cheminé sur le chemin d'Arles en 1993. Il avait échoué à Sangüesa, chez les sœurs, au bout de ses forces et déshydraté après une très dure et imprévue étape, seul et à pied, de 63 kilomètres. C'est la sœur Carmen qui lui avait ouvert la porte. " Donnez-lui vite à boire et couchez-le ! ", qu'elle avait dit en espagnol. Retrouvailles. Notre Marcel, qui espérait fort retrouver la sœur qui l'avait accueilli, assoiffé, il y a huit ans, est ému. Nous expliquons notre mésaventure d'aujourd'hui et, comme justement elle doit se rendre à Monreal en voiture, la bonne sœur Carmen propose de nous y emmener avec nos bagages. Que demander de plus ?

11 juin. - Sangüesa - Monreal

Dans la voiture de la sœur Carmen. À Monreal, rencontre d'un couple de pèlerins français, enseignants retraités. En marchant, le monsieur fume une pipe à la fumée, de loin, odorante.

Monreal - Tiebas, 12 kilomètres.

Avec le sac complet sur le dos. À Ezperún, Geneviève et Catherine choisissent de poursuivre le long de la départementale jusqu'à Tiebas. Hélas, pour atteindre la route convoitée, il faut traverser une cour de ferme gardée par des chiens en liberté et des chiens attachés... qui tous gueulent fort. Courageuses, elles sont passées. Sans se faire mordre.

Agréable sieste en compagnie d'Arlette et de Marcel à l'ombre des arbres abritant la fontaine de Guerendiáin.

Dîner au bar Societos : ensalada (assiette de crudités), tortilla (large et épaisse omelette avec pommes de terre intégrées), yaourt de lait de brebis dans lequel on verse du miel liquide, excellent. Le tout arrosé d'un vino tinto millésimé.

Coucher dans les locaux de l'école du village : matelas (deux superposés par personne) posés sur le sol carrelé. Nous y avons retrouvé le couple de pèlerins français rencontrés dans la journée. Le monsieur fume la pipe en permanence et nous explique qu'il ne peut pas la quitter, quoi qu'il fasse. Il commence à inventorier les différentes situations de sa vie courante avec pipe. Craignant le pire, j'ai réussi à faire dévier la conversation pour arrêter l'énumération.

12 juin. - Tiebas - Euñate - Puente la Reina, 18 kilomètres.

Toujours avec le sac complet sur le dos. Euñate, chapelle romane de forme octogonale, isolée dans les champs, entourée d'une galerie à arcades, près du lieu de réunion du Chemin d'Arles et du Carnino Francés. Endroit magique, c'est, me dit-on, un important site mondial de rayonnements cosmiques et telluriques. Ne m'en demandez pas plus dans ce domaine.

Nous y retrouvons nos trois pèlerins rapides. Michèle nous accueille à une porte de la galerie à arcades en nous offrant des cerises cueillies en chemin. Et cela me touche.

Puente la Reina - Estella.

Nous sommes maintenant sur le Camino Francés. Il y a de nombreux pèlerins. Quel contraste ! La foule des candidats au gîte des Padres Reparatores de Puente la Reina, atteint en début d'après-midi, nous décide à prendre le car jusqu'à Estella. De plus, Arlette nous explique qu'il existe un service de cars direct d'Estella à Hendaye. Pas d'hésitation. Arrivés au but projeté de ce morceau de pèlerinage, un début de fatigue commence à se faire sentir.

Nous avons souvent allégé notre sac et quelquefois emprunté cars ou taxis. C'est peut-être la raison pour laquelle je n'ai pas le sentiment d'avoir accompli un " vrai " pèlerinage. Nous tenterons de mieux faire. Toutefois, cette expérience nous a permis de nous connaître, un peu, et de nous apprécier. Pour ma part, j'ai été heureux d'avancer sur ce chemin en aussi bonne compagnie.

13 juin - Estella - Irache.

Aller et retour seulement pour Marcel et moi (environ cinq kilomètres), à pied et sans rien sur le dos, pour visiter l'église, le cloître et le musée d'Irache. En passant, si possible, nous dégusterons une nouvelle fois, le vin de la fameuse fontaine des Bodegas, retrouvant ainsi les souvenirs de précédents et plus longs pèlerinages.

La dégustation fut possible à l'aller. Même nous avons rempli une petite gourde pour les dames restées à Estella. Sage précaution car, au retour, après les intéressantes visites, seul le robinet d'eau continuait à remplir son office.

Vite, vite, il nous est proposé de nous joindre à un groupe de touristes visitant l'église du Saint-Sépulcre d'Estella. Sur place, nous sommes assommés par de tonitruants et abondants commentaires en flamand. J'ai refusé d'acquitter le prix de la visite et, sur le livre du syndicat d'initiative, expliqué pourquoi. J'ai été sévère. Trop. Les écrits restent... Marcel me dit que j'ai jeté mon venin. C'est juste.

Le soir, à l'auberge des pèlerins d'Estella, nous retrouvons le curé d'Augsburg et, voisin de lit, le drôle de pèlerin aux gros insignes cliquetants. Ce dernier poursuit maintenant le Chemin en compagnie d'une pèlerine brésilienne noire, très âgée . Il lui porte son sac. Son verbe est plus doux, sa figure est moins colorée, son regard n'est plus arrogant. Le coquillard serait-il devenu pèlerin ?

Estella - Hendaye - Paris-Austerlitz.

En car climatisé à partir d'Estella, puis en train-couchettes à la gare d'Hendaye (la Palombe). C'est la fin de cette nouvelle et belle aventure. à l'année prochaine. Peut-être. Pour continuer vers Santiago ou pour aller sur d'autres chemins...

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