Association Française des Pèlerins de Saint Jacques de Compostelle.
JOURNAL DE DEUX PÈLERINS
sur le camino francés et ensuite jusqu'à Fisterra.
Bernard PAGNON et François PÉRADON ©
Après avoir cheminé sur la "Via Lemovicencis" (Chemin de Saint-Jacques
par Vézelay) l'an dernier, nous sommes repartis de Saint-Jean-Pied-de-Port
le 29 avril 2008 empruntant le Camino Francés jusqu'à Santiago, pour
rendre hommage à notre Apôtre et avec l'espoir de continuer ensuite
jusqu'à Fisterra, la tête remplie de rêves. Départ en train
de Paris jusqu'à Bayonne avec quelques péripéties : le train
entrait en gare lorsque, devant un café au wagon restaurant, nous prîmes
conscience que nous devions remonter sept voitures pour récupérer nos sacs ;
ce qui ce fit en un éclair mais sans pour autant avoir le temps de composter
nos billets : remerciement au contrôleur indulgent (était-ce un
bon présage ?) puis correspondance pour Saint-Jean-Pied-de-Port par le train
que l'on pourrait appeler le « train de Saint-Jacques », où s'entassent
bâtons, sacs à dos, marcheurs, pèlerins, de toutes
nationalités avec comme mot et point de ralliement : Santiago.
Après être passés à l'accueil Saint-Jacques en fin
d'après-midi, nous nous dirigeons sur Untto, première étape de
notre pèlerinage et petite "mise en jambes" avant de franchir la barrière des Pyrénées.
Le lendemain, montée vers Roncevaux après un moment de recueillement auprès de la Vierge
d'Orisson dans un cadre pittoresque mais glacial (1.095 mètres) et par endroit encore enneigé.
Passage en Espagne à la borne indiquant Santiago : 765 kilomètres.
Étape à Espinal où nous repartons avec seulement deux petits
degrés. Au fil des heures la température remonte et nous pouvons profiter de la beauté du paysage.
Arrivée au couvent de Trinidad de Arre où nous avons bénéficié
des deux derniers lits dans une cellule de moine. Là, nous prenons
conscience que nous ne sommes pas les seuls pèlerins (pour ceux qui
aspirent à la solitude, le Camino Francés n'est pas pour eux).
Ensuite, Puente la Reina en passant par Pampelune où nous trouvons la
cathédrale fermée, puis Uterga. Le temps très beau nous fait
oublier le dénivelé important. Lorca, Estella, le monastère
d'Irache après la fameuse fontaine qui procure l'eau indispensable aux
pèlerins mais aussi du vin qui, comme nous le disait notre ami Michel G. : "C'est le sang du pèlerin..."
Au terme d'une trentaine de kilomètres, arrivée à l'albergue
de Villamayor de Monjardin : albergue complet et l'étape suivante est à
12 kilomètres : Los Arcos, que faire ? Après hésitation et
réflexion pause café et reprise du chemin dans un cadre bucolique.
Il était près de vingt heures lorsque nous sommes arrivés
à Lors Arcos où les mêmes mots retentirent : albergue complet
(malgré soixante-dix lits). La seule possibilité était de dormir
à la « belle étoile ». Après un réconfort trouvé
à l'office du soir et à la bénédiction des pèlerins,
la nuit nous parut douce en admirant la voūte céleste.
Dès le lendemain, nous décidâmes alors d'une nouvelle stratégie
en partant à l'aube, assistant ainsi à de magnifiques levers de soleil.
Nous quittons Logroño dans la pénombre, peu de temps a suffi pour
abandonner le Chemin. Un camionneur bien intentionné nous remit sur la bonne
voie en oubliant de serrer son frein à main et le camion partit seul... sur quelques mètres.
Les étapes s'égrènent : Navarette, Azofra, halte à
San Domingo de la Calzada où nous faisons un petit " coucou "
au poulailler de la cathédrale. Redecilla del Camino et ses fonds baptismaux
du douzième siècle avec toujours un terrain escarpé et une
météo mitigée. San Juan de Ortega, puis interminable cheminement
dans l'agglomération de Burgos. La cathédrale est ruisselante sous la pluie,
là encore : albergue complet et repli dans une salle omnisport.
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Nous quittons Hontanas le 10 mai toujours sous la pluie jusqu'à notre halte
à Itero de la Vega sur un chemin difficile et glissant.
Frómista, Carrión de los Condes, Calzadilla de la Cueza, Sahagùn,
Bercianos del Real Camino et nous sommes sur la Meseta : long ruban monotone sur un
plateau d'une centaine de kilomètres (tant redoutée par les pèlerins
l'été et que certains n'hésitent pas à gommer de leur
chemin pour le reprendre un peu plus loin). À l'albergue paroissial, accueil
chaleureux par une hospitalière anglaise dans une demeure faite en torchis :
préparation du dîner et service en commun pour un partage dans une ambiance
très conviviale. Après ce repas agrémenté de chants,
moment de recueillement à l'oratoire.
Nous poursuivons par Mansilla de las Mulas et arrivons à León où
la pluie nous retrouve et faisons halte au couvent Sainte-Marie. À 13 heures,
messe à la cathédrale dont les portes se refermeront à l'issue
de cet office. Le ciel continue à décharger des hallebardes de pluie
et, à 21h30, complies avec les Bénédictines.
La Virgen del Camino, Hospital de Órbigo avec son pont magnifique et la
très belle montée vers la Croix de Santo Toribio, vue sur Astorga
et visite de la cathédrale Santa Catalina.
Montée à la Croix de fer avec un temps glacial (pluie et brouillard)
nous laissant deviner de beaux paysages parmi ajoncs et bruyère à
1.450 mètres en passant par Rabanal del Camino, Foncebadón et
arrivée à El Acebo qui est un très beau village montagnard.
Départ au petit matin pour Ponferrada dans la vallée illuminée,
château des Templiers, basilique. Halte à Cacabelos toujours sous la pluie.
Villafranca del Bierzo, Trabadelo, étape à Las Herrerias avant la
montée de O Cebreiro (de 700 à 1.400 mètres). Temps doux qui
nous permet de profiter pleinement du paysage et passage en Galice.
O Cebreiro : beau village dont l'église possède un calice et une
patène associes à un merveilleux événement : "El milagro del Cebreiro"
(le miracle du Cebreiro) selon lequel une transsubstantiation visible survînt
durant une eucharistie. Descente sinueuse et rapide parmi les pins à travers
pluie et brouillard qui nous poussent à faire halte à Fonfria, bien contents.
La pluie ne cessera pas jusqu'au soir.
Descente sur Triacastela direction Samos par une vallée encaissée
parmi genêts, chênes et bouleaux et, surprise et émotion, en
découvrant au détour d'une courbe l'impressionnant monastère
bénédictin de Samos. Continuation sur Sarria avec un temps clément.
Sarria : Santiago est à 100 kilomètres (soulagement pour certains,
petits pincements au cœur pour d'autres). Fin de matinée : Portomarin
et son barrage avant la montée vers Gonzar, Palas de Rei avec comme compagne l'inséparable pluie.
Direction Arca : Ribadiso de Riba, Arzua, Santa Irene et comme nous sommes en
forme nous décidons de faire halte à Arca, nous laissant une petite étape pour arriver à Santiago.
À un endroit, quelques secondes d'inattention ont suffi pour nous détourner
d'Arca et c'est vers Labacolla que nous arrivons sous une pluie battante
(déjà lessivés par la pluie, les ablutions légendaires restaient donc amoindries).
Le 26 mai : dernière étape pour rejoindre Santiago. Départ
à 7 heures sous la pluie. Après un
quart d'heure de marche, Bernard s'aperçoit qu'il a oublie ses papiers
à l'albergue (était-ce un moyen pour retarder l'arrivée ? ... )
Passage au monte del Gozo, avec son intime petite chapelle San Marcos et où
un monument a été érigé commémorant la visite de Jean-Paul II.
Enfin, arrivée à Santiago. Il faut reconnaître que ce n'est
pas pour nous la première arrivée mais l'émotion est toujours
aussi grande et avec une pensée aux amis avec qui nous avons partagé
ces moments. Visite à la cathédrale et messe des pèlerins.
Le 27 mai, le Chemin vers l'Apôtre saint Jacques est terminé mais notre
intention était de poursuivre jusqu'à Fisterra.
Première étape : nous quittons Santiago en passant par la cathédrale
en direction de Negreira sous une pluie fine qui ne nous abandonnera pas.
Nous nous joignons à de nombreux pèlerins prenant cette direction.
Le lendemain Olveiroa par des petits sentiers très boueux et glissants, avec
une température fraîche et la pluie comme éternelle compagne.
Très belle vue sur le barrage de Fervenza.
Troisième étape vers Fisterra : mémorable, apocalyptique !
Des seaux d'eau, un vent à décorner les bœufs, nous plaisantions
tant cela était difficile et invraisemblable. Clémence : la douceur de
l'air. Arrivée à l'albergue à 13 heures : celui-ci n'ouvrait
qu'à 17 heures. L'attente ne fut pas vaine : nous sommes allés au cap
Fisterra (toujours sous la pluie), là, grande uniformité, le ciel et
la mer ne faisant qu'un. C'est à cet endroit qu'une tradition voudrait que
les pèlerins brūlent leurs vêtements portés tout au long du chemin.
30 mai : départ prévu à 6 heures pour Muxia. Oh, surprise !
La cuisine contenant notre ravitaillement était fermée. Comme il pleuvait
nous fîmes de « mauvaise fortune bon cœur » et après avoir
récupéré nos victuailles nous avons abordé les
intempéries pour reprendre le Chemin. Comme dit une chanson : « Il y a des jours
comme ça » et par quatre fois nous nous sommes égarés mais le
soleil a fini par darder ses rayons. Étape longue et épuisante.
Après douche et détente, visite au sanctuaire de Nuestra Señora
de la Barca associé au culte de saint Jacques : la Vierge Marie serait venue
sur cette côte pour l'encourager dans sa prédication et sa barque de
pierre demeure toujours amarrée au bord de la mer. Depuis, miracle : le
soleil nous accompagne pour notre retour à Santiago.
31 mai : plus que trois étapes avant de finir notre périple. Direction
Olveiroa : encore une fois nous faisons le mauvais choix et nous nous retrouvons
rapidement dans une garrigue calcinée parmi les ajoncs. Au bas d'une vallée
une surprise nous attend en découvrant un rio de 3 à 4 mètres qu'il
faut traverser, nous le longeons en essayant de trouver un gué mais en vain et
décidons d'affronter galets et courant, avec ou sans vêtement, nous sommes
mouillés jusqu'au torse. Retour sur les hauteurs et stupéfaction d'apercevoir un pont qui traversait le rio.
Étape à Olveiroa puis à Negreira, pas facile de refaire le
Chemin en sens inverse. Difficile aussi l'hébergement avec priorité
aux pèlerins venant de Santiago et comme les albergues ne sont pas très grands...
Retour à Compostelle ; messe des pèlerins, visite de l'église de Sar
(pittoresque église penchée à la périphérie de la ville).
Partis de Paley et Ville-Saint-Jacques sur la voie de Vézelay et le
Camino Francés poursuivi jusqu'au bout de la terre,
nous garderons dans nos cœurs des paysages magnifiques, des moments
d'émotion, de rencontre et de partage.
Nous souhaitons que beaucoup de pèlerins puissent un
jour avoir cette grâce et l'accomplir. Nous remercions Guy et les
pèlerins de l'association qui nous ont fait connaître et aimer
ce chemin et qui nous ont portés dans leurs prières.
Bernard Pagnon et François Péradon
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