GUIDE du PÈLERIN de SAINT-JACQUES de COMPOSTELLE, CHAPITRE VIII

Corps Saints qui reposent sur l'itinéraire de Saint-Jacques et que les pèlerins doivent visiter (chemin de Vézelay).

Sur l'itinéraire qui va à Saint-Jacques en passant par Saint-Léonard, le très saint corps de la bienheureuse Marie-Madeleine doit, à juste titre, être vénéré par les pèlerins. Il s'agit de la glorieuse Marie qui, dans la maison de Simon le Lépreux, arrosa de ses larmes les pieds du Sauveur, les essuya avec ses cheveux et les oignit d'un parfum précieux en les embrassant. C'est pour cela que ses nombreux péchéslui furent remis et parce qu'elle avait beaucoup aimé Jésus-Christ, son Rédempteur, celui qui aime tous les hommes, . C'est elle qui après l'Ascension du Seigneur, quittant les parages de Jérusalem avec le bienheureux Maximin, disciple du Christ, et d'autres disciples de celui-ci, arriva par mer jusqu'au pays de Provence et débarqua au port de Marseille.

Dans ce pays, elle mena pendant plusieurs années une vie de célibat et enfin fut ensevelie dans la ville d'Aix par ce même Maximin devenu évêque de la ville. Mais après une longue période, un certain personnage sanctifié dans la vie monastique, du nom de Badilon, transporta ses précieux restes de cette ville jusqu'à Vézelay où ils reposent aujourd'hui dans une tombe révérée. Dans ce lieu, une grande et très belle basilique et une abbaye de moines furent établies ; les fautes y sont, pour l'amour de la sainte, remises par Dieu aux pécheurs ; la vue est rendue aux aveugles, la langue des muets se délie, les boiteux se redressent, les possédés sont délivrés et d'ineffables bienfaits sont accordés à beaucoup de fidèles. Les solennités de sa fête se célèbrent le 22 juillet.

Il faut aussi rendre visite au saint corps du bienheureux Léonard confesseur qui, issu d'une très noble famille franque et élevé à la cour royale, renonça par amour du Dieu suprême au monde pervers et mena longtemps, à Noblat en Limousin, une vie de célibat, jeûnant fréquemment, veillant souvent dans le froid, la nudité et des souffrances inouïes. Enfin sur la terre qui lui appartenait, il reposa après une sainte mort . On dit que ses restes sacrés sont inamovibles.

Qu'ils rougissent donc de honte les moines de Corbigny qui prétendent posséder le corps de saint Léonard puisque, comme l'avons dit plus haut, ni le plus petit de ses os, ni ses cendres ne peuvent en aucune façon, être déplacés. Les gens de Corbigny comme bien d'autres sont gratifiés de ses bienfaits et de ses miracles, mais ils sont privés de la présence de son corps. N'ayant pu l'avoir, ils vénèrent comme étant celui de saint Léonard le corps d'un certain Léotard qui, disent-ils, leur fut apporté d'Anjou dans une châsse d'argent ; ils ont même changé son propre nom après sa mort comme s'il avait été baptisé une seconde fois ; ils lui imposèrent le nom de saint Léonard afin que par la célèbritée d'un nom si grand et si connu, à savoir celui de saint Léonard du Limousin, les pèlerins viennent là et les enrichissent de leurs offrandes. Ils célèbrent sa fête le 5 octobre. D'abord ils ont fait de saint Léonard du Limousin le patron de leur basilique, puis ils ont mis un autre à sa place, à la façon des serfs jaloux qui arrachent à leur maître par la violence son propre héritage et le donnent indignement à un autre. Ils sont semblables aussi au mauvais père qui enlève sa fille à l'époux légitime pour la donner à un autre. « Ils échangèrent, dit le psalmiste, leur gloire contre la figure d'un veau ». Un sage a réprouvé ceux qui agissent ainsi, disant : « Ne livre pas à d'autres ton honneur ». Les dévots de la région ou étrangers qui vont là-bas croient trouver le corps de saint Léonard du Limousin qu'ils aiment, et, sans le savoir, c'est un autre qu'ils trouvent à sa place. Qui que ce soit qui accomplisse des miracles à Corbigny, c'est cependant le bienheureux Léonard du Limousin qui délivre les captifs et les amène là, quoiqu'il ait été dépossédé du patronage de cette église. C'est pourquoi les gens de Corbigny sont coupables d'une double faute car ils ne reconnaissent pas celui qui, libéralement, les enrichit par ses miracles et ils ne célèbrent même pas sa fête, mais rendent hommage indûment à un autre à sa place.

La clémence divine a donc déjà répandu au loin à travers le monde entier la gloire du bienheureux confesseur Léonard du Limousin et sa puissante intercession fait sortir des prisons d'innombrables milliers de captifs ; leurs chaînes de fer, plus barbares qu'on ne peut le dire, réunies par milliers, ont été suspendues tout autour de sa basilique à droite et à gauche, au dedans et au dehors, en témoignage de tant de miracles. Quiconque est surpris, plus qu'il ne peut l'exprimer, en voyant les mâts qui s'y trouvent chargés de tant et de si grandes ferrures barbares. Là en effet sont suspendus des menottes de fer, des carcans, des chaînes, des entraves, des colliers, des pièges, des cadenas, des jougs, des casques, des faux et des instruments divers dont le très puissant confesseur du Christ a, par sa vertu puissante, délivré les captifs.

Ce qui est remarquable en lui c'est qu'il a coutume d'apparaître, sous une forme humaine visible, à ceux qui sont enchaînés dans les cachots, même au delà des mers, comme en témoignent ceux que par la puissance divine il a délivrés. Par lui est accompli magnifiquement ce que jadis le divin prophète avait annoncé disant : « Souvent il a délivré ceux qui étaient assis dans les ténèbres et dans l'ombre de la mort et ceux qu'enchaînaient la misère et les fers. Et ils l'ont invoqué tandis qu'ils étaient dans les tribulations et il les a délivrés de leurs angoisses. Il les a détournés du chemin d'iniquité, car il a enfoncé les portes d'airain et brisé les serrures et il a délivré ceux qui avaient des entraves aux pieds et beaucoup de grands personnages qui portaient des menottes de fer ». Car souvent des chrétiens étaient remis, enchaînés, aux mains des gentils, comme Bohémond et ils ont été esclaves de ceux qui les haïssent et leurs ennemis leur ont fait subir des tribulations et ils ont été humiliés sous leur main. Mais celui-ci souvent les a délivrés et il les a fait sortir des ténèbres et de l'ombre de la mort et il a rompu leurs liens. Il a dit à ceux qui étaient enchaînés : « Sortez », et à ceux qui étaient dans les ténèbres « Venez au jour ». Sa sainte fête se célèbre le 6 novembre.

Après saint Léonard, il faut rendre visite dans la ville de Périgueux au corps du bienheureux Front évêque et confesseur qui, sacré évêque à Rome par l'apôtre saint Pierre, fut envoyé avec un prêtre du nom de Georges pour prêcher dans cette ville. Ils étaient partis ensemble, mais Georges étant mort en route et ayant été enseveli, le bienheureux Front revint auprès de l'apôtre et lui raconta la mort de son compagnon. Saint Pierre alors lui remit son bâton disant : «  Lorsque tu auras posé mon bâton sur le corps de ton compagnon, tu diras : « En vertu de la mission que tu as reçue de l'Apôtre, au nom du Christ, lève-toi et accomplis-lá ! ». Ainsi fut fait ; grâce au bâton de l'Apôtre, saint Front récupéra de la mort son compagnon de mission et convertit la ville au christianisme par sa prédication. Il s'illustra par de nombreux miracles et par une mort digne. Il reçut sépulture dans la basilique qui porte son nom et oú par la grâce de Dieu sont accordés de nombreux bienfaits à ceux qui les demandent. Certains disent qu'il fut un des disciples du Christ. Son tombeau ne ressemble à la sépulture d'aucun autre saint ; en effet il est parfaitement rond comme le Saint Sépulcre et il surpasse ceux de tous les autres saints par sa beauté et sa facture. Sa fête solennelle se célèbre le 25 octobre.

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