D'Oviedo à Compostelle par la côte.

Chemin du nord, octobre 2005 par José Martinez-Almoyna ©

Avec les responsables de l'Association Française des Pèlerins de Saint Jacques de Compostelle, nous avions décidé pour l'année Sainte 2004 d'essayer de parcourir le chemin dit primitif qui relie Oviedo et Saint-Jacques de Compostelle par la montagne. Ce parcours nous ayant plu nous avons en 2005 voulu expérimenter l'autre chemin celui qui, d'Oviedo, gagne Compostelle par la côte.

Oviedo est la capitale des Asturies, une région montagneuse du nord-ouest de l'Espagne qui, lors de l'invasion musulmane (711-714) de la péninsule ibérique, échappa à l'occupation. D'ici partit la reconquête de la péninsule et d'ici partirent les premiers pèlerins de Saint-Jacques de Compostelle. En effet, si vous vous intéressez à Saint-Jacques et ses chemins, vous savez sûrement que vers l'an 820 un berger repéra des phénomènes lumineux sur la colline où se trouve maintenant la cathédrale de Compostelle. On en vint à affirmer qu'il s'agissait du sépulcre de l'Apôtre Jacques. Théodomire, l'évêque de cette partie de la Galice alerta son roi Alphonse II dit le " Chaste ". Celui-ci voulut se rendre compte. Avec sa cour, il quitta sa capitale, Lucus Asturum (Oviedo) et rejoignit par la montagne Lucus Augusti (Lugo). Par la suite, cet itinéraire fut largement supplanté par le chemin qui traverse la Castille et porte le nom qui nous est cher de chemin " français ".

L'itinéraire qui longe la côte de l'Océan Atlantique au pied de la Cordillère Cantabrique semble logique sur une carte mais l'est moins sur le terrain. De multiples torrents dévalent de la montagne et, en direction de la mer, font obstacle à la marche vers l'ouest. De plus, les incursions de bateaux pirates ont toujours été redoutées. Quoiqu'il en soit, de nos jours, il n'est pas très fréquenté.


Jeudi 29 septembre - Vendredi 30

PARIS − OVIEDO

La plupart des participants au pèlerinage 2005 se sont retrouvés le jeudi 29 septembre au soir à la gare parisienne d'Austerlitz. Ils ont pris le train de nuit qui relie Paris à Irun en Pays Basque.

Contrairement à 2004, nous avons vite eu quelques problèmes puisqu'au guichet d'Irun de la compagnie de transports ALSA on nous a annoncé que l'autocar d'Oviedo était plein et qu'il nous faudrait prendre celui de Bilbao. Dans cette ville, nous aurons une attente de 3 heures, puis une correspondance vers midi pour Oviedo.

L'autocar de Bilbao précède celui d'Oviedo et part dans les 10 minutes. Le groupe convaincu d'avoir largement le temps de déjeuner s'est dispersé entre les deux cafés de la vaste gare d'Irun. Il faut rameuter tant bien que mal tout ce petit monde. Certains sont occupés à essayer de passer commande d'un café au lait, d'autres sont attablés. Nous partons finalement tous mais la plupart avec le ventre vide. Nous savons que notre première préoccupation sera de prendre un petit déjeuner à Bilbao. L'arrivée est fascinante avec une autoroute aérienne à quelques mètres des façades des immeubles. Aux fenêtres figurent les mêmes nombreux panneaux de protestation dérisoires que l'an passé du type : non au bruit, non à l'autoroute !

Quand nous descendons de l'autocar, il fait un temps magnifique. Par petits groupes, nous partons à la recherche d'un café au lait. Compte tenu du temps d'attente qui nous reste, nous décidons de partir en promenade en ville et nous déposons nos sacs à la consigne de la gare routière. En interrogeant quelques passants, nous arrivons en vue du Musée Guggenheim et des berges du Nervion, le fleuve de Bilbao. Nous n'avons pas le temps de voir les collections, mais pouvons regarder sous plusieurs angles le bâtiment devenu le plus fameux de cette ville.

L'autocar où nous embarquons pour Oviedo doit faire l'objet d'une campagne de promotion de la compagnie Alsa, car les passagers sont particulièrement bichonnés. À l'extérieur, le soleil brille et nous apercevons de temps en temps la mer ou les sommets enneigés de la chaîne Cantabrique. À l'arrivée à Oviedo, nous ramassons vite nos sacs dans la soute de l'autocar et gagnons le parvis de la cathédrale où nous avons rendez-vous à 16h30 avec nos amis de la Fédération du Chemin du Nord. Le programme de fin d'après-midi est vite établi. Déposer les sacs au refuge, puis visiter la Camara Santa ou "Chambre Sainte" que certains n'ont pas pu voir l'année dernière.

À la sortie, nous nous attardons dans la cathédrale avec sa vénérable image du Sauveur. Il bénit de la main droite et porte la sphère de l'univers dans la main gauche. Au Moyen-Age, imaginait-on une terre plate, discoïdale, centre d'un univers sphérique ? Je prends conscience de commencer ce pèlerinage dans un sanctuaire consacré au Sauveur et le terminerai, si tout se passe bien, dans la chapelle du même Sauveur à Compostelle. De la même façon, je peux dire que je suis parti de France et arriverai à Compostelle à la Chapelle de la France !

Nous terminons notre parcours dans la cathédrale et nous rendons visite à plusieurs salles de peintures du Musée.

Comme en 2004, nous avons prévu de louer une voiture que quatre d'entre nous conduiront successivement. Elle nous permettra d'alléger nos sacs à dos et servira à de multiples petites liaisons. Nous ne la prendrons que dans deux jours, à l'aéroport d'Oviedo qui est à une quarantaine de kilomètres au nord, en bordure de mer, le dimanche 2 octobre. Nous la rendrons le jeudi 13, à Lavacolla, l'aéroport de Saint-Jacques.

Samedi 1er octobre

OVIEDO − GRADO, 25 km

Nous quittons le refuge au petit matin et faisons halte au premier café ouvert. Probablement " encore ouvert ", car nous y côtoyons des couche-tard éméchés. En continuant vers le nord-ouest par les rues désertes du centre ville, nous atteignons la gare de chemin de fer, puis au delà en suivant le balisage les derniers immeubles de la ville.

Nous passons à San Lazaro Paniceres, puis Loriana où se trouve le vieux pont de Los Gallegos. En suivant les flèches jaunes du balisage, nous montons ensuite au col de El Escamplero, tantôt en bordure de route, tantôt par des chemins agrestes. Nous avançons par Valsera, Premoño puis Puerma.

Au défilé de Peñaflor, nous franchissons le fleuve Nalon et la voie du chemin de fer qui vient d'Oviedo et vers l'ouest gagne la Galice. Nous avions l'an passé bénéficié ici d'un temps superbe. Cette année, le ciel est bas, les champs de maïs, les prés, les vergers et les potagers n'ont pas le même charme. Avec Marcel et Michel, nous perdons la trace du chemin balisé et avançons vers Grado à travers champs avec, ici et là, quelques clôtures de ronces et de barbelés à franchir. Nous abordons la ville par le quartier de la gare où nous reviendrons demain matin puisque nous prendrons le train jusqu'à la mer.

À l'arrivée à l'hôtel, nous apprenons que Guy a fait une chute douloureuse sur le ciment et s'est sérieusement blessé à la tête et à la main. Il n'a pas envie de ne pas essayer de continuer.

Après installation à l'hôtel Auto-Bar, nous faisons en ville nos achats alimentaires pour le lendemain. Quelques uns, en guise d'apéritif, goûtent quelques verres de cidre asturien.

Nous dînons tous ensemble.

Dimanche 2 octobre

GRADO − CADAVEDO − PIÑERA

Après le petit déjeuner et après avoir réglé nos chambres, nous gagnons la gare du chemin de fer de la côte par petits groupes. Les marcheurs prennent un billet pour Cadavedo et ceux qui vont récupérer la voiture de location un billet pour Santiago del Monte. C'est l'arrêt qui semble sur la carte le plus proche de l'aéroport. Quand le train arrive d'Oviedo, nous embarquons tous. À Navia, ceux de l'aéroport (dont je suis) changent de train. À Santiago del Monte, nous descendons du train sur le quai d'une gare fermée et à l'écart du village. Une route avec une grande station-service est proche. Nous y trouvons les renseignements pour gagner à pied l'aéroport et de plus nous pouvons y déposer nos sacs, le temps d'aller chercher la voiture. Malencontreusement je laisse mon permis de conduire dans la poche de mon sac à dos, mais n'oublie pas ceux que m'ont confié d'autres pèlerins. Rejoindre à pied un aéroport est parfois un vrai casse-tête. Quand c'est possible comme ici, c'est toujours fascinant car tout est conçu pour l'automobile et pas grand chose pour le piéton. Au guichet du loueur Atesa-National, l'accueil est chaleureux. Nous signons et payons. Les clés sont pour Michel et nous voilà sur la route, direction la station-service. Après avoir récupéré les sacs, nous partons vers l'ouest sur la route N632. Son tracé a été modernisé et nous avançons vite.

Au bout d'une quarantaine de kilomètres, nous apercevons en bordure de route Arlette, Marie-Christine, Véronique, Pascal et Gérard. Nous arrêtons la voiture sur le bas-côté et plus tard les autres pèlerins nous rejoignent. Comme convenu, chacun allège son sac à dos de quelques kilos. Le sac le plus lourd transféré à la voiture est sans conteste celui de Geneviève. D'ailleurs elle a prévu un sac de toile et n'a pas voulu d'un sac plastique type poubelle trop fragile. Guy est ravi de reprendre la marche. Il emboîte le pas de Jean-Emile... Bernard ayant perdu ou oublié ses lunettes quelques kilomètres plus tôt, nous repartons vers l'est à trois. Nos allées et retours à faible vitesse ou à pied ne donnent finalement rien. Je crois que Michel et moi sommes très vexés par cet échec et Bernard lui est fort marri. Cet incident, je ne sais pourquoi, augmentera d'un cran notre amitié nouvelle.

Christiane qui souffre du dos monte avec nous dans la voiture pour gagner le port de Luarca où un rendez-vous général est prévu à la gare du chemin de fer à voie étroite (FEVE) et où Bernard souhaite recommencer à marcher. Nous faisons la visite de ce joli port mais les déplacements s'avèrent difficiles en voiture à cause des nombreux sens uniques et des falaises qui ceinturent la ville. Le ciel est bleu, le soleil brille. Nous pique-niquons à la gare d'où nous surplombons la ville. Aucun pèlerin ne nous rejoint.

Plus tard, sans fatigue, nous gagnons le hameau de Piñera. Le refuge est installé dans les anciennes écoles en bordure de la grand route qui supporte une circulation relativement intense. Il fait beau, la campagne est belle. Avec notre hospitalière, nous organisons le dîner du soir. Quinze convives ne l'effrayent pas, ce sera chez elle. Nous convenons de l'heure et repartons sur la route à la rencontre des plus fatigués. Tous ceux que nous croisons et interrogeons refusent de monter à bord, ils veulent poursuivre à pied. Le soir au refuge, pendant le dîner, tous les marcheurs estiment que l'étape du jour a dépassé les 30 kilomètres.

Quand, plus tard, nous rentrerons dormir la cuisine de Pilar nous aura bien plu.

Lundi 3 octobre 2005

PIÑERA − TOL

Selon des informations recueillies sur Internet avant notre départ, il doit y avoir ce matin une éclipse partielle de soleil visible sur cette partie de l'Espagne. Les personnes que nous interrogeons ici se montrent particulièrement indifférents. Elles n'ont qu'une vague idée de l'heure et de la durée du phénomène.

À Navia, nous faisons tous quelques courses alimentaires. Pour repartir, nous n'avons pas besoin de demander notre chemin, car à une centaine de mètres nous voyons avancer Marie-Christine, Arlette et François. Nous traversons le pont sur le fleuve Navia. Un banc de gros poissons stationne à quelques mètres en amont. Un promeneur m'explique que c'est une espèce immangeable qui se nourrit des rejets d'égouts.

Le chemin balisé s'incurve vers le sud et s'éloigne de la grand route, celle qui vers l'ouest gagne la Galice.

Un vieux monsieur installé dans un fauteuil sur la terrasse de sa maison observe le soleil avec un masque de soudeur. Il me fait un geste d'invitation à m'approcher et me tend son instrument. L'éclipse est superbe à observer. Le disque solaire est largement grignoté sur le bas à droite. Je remercie vivement et poursuis mon chemin. Les oiseaux ne paraissent pas particulièrement agités, mais la température semble avoir reculé de plusieurs degrés. Plus tôt que prévu un panneau indique deux variantes pour le chemin de Compostelle.

Nous prenons à gauche vers Tol par un itinéraire beau, très beau, mais chaotique et tortueux. Les renseignements que nous obtenons des habitants sur la direction à prendre sont souvent contradictoires et donc déroutants. Nous avons le sentiment d'effectuer plusieurs kilomètres inutiles. Nous passons à Miudes, Godella, Nenin, San Juan, Suerio, La Roda, puis rejoignons une route quasi rectiligne qui aboutit à Tol.

Le parcours a été rude pour la plupart d'entre nous. Au dîner, la question du logement à Trabada est de nouveau abordée. Jean-Emile, qui aujourd'hui a conduit la voiture a poussé jusque Trabada pour étudier les possibilités d'hébergement. Le maire est prêt à ouvrir le gymnase municipal pour abriter les pèlerins qui voudront y dormir, mais il n'y a pas de tapis et la salle ne sera disponible qu'après 11 heures du soir. Les derniers réticents à loger au manoir de Terrafeita se rallient à la solution " luxueuse ".

Mardi 4 octobre

TOL − VEGADEO − TRABADA

La crainte que cette étape ne dépasse de fait encore les 30 kilomètres pousse plusieurs d'entre nous à opter pour un raccourcissement avec transfert en voiture de Tol à Végadéo. À partir de l'entrée dans cette ville, nous disposons d'une copie de la carte détaillée de l'IGN au 1/25000e.

C'est Bernard le chauffeur aujourd'hui. Sans ses lunettes, il prétend n'être gêné que pour voir de près, c'est à dire pour consulter le compteur de vitesse. Il nous dépose, Christiane, Marcel, Michel et moi au petit jour à l'entrée de Rio de Seares. Il fait un demi-tour artistique pour regagner Tol et assurer la navette suivante. En ville, nous trouvons un bar vieux style pour prendre notre petit déjeuner. Le patron passe dans sa cuisine pour nous griller des tartines puis les beurrer. Il nous faut ensuite trouver une cabine téléphonique et une boutique d'alimentation. Nous repartons vers Miou en demandant notre chemin quand c'est possible et quand le balisage fait défaut. Nous grimpons vers un col au milieu des arbres et des fougères.

Nous arrivons en vue de Santiago de Abres, longeons un beau manoir, serpentons entre les fermes, les villas et les jardins pour arriver à l'église où nous nous arrêtons pour manger.

Plus tard nous reprenons la route vers le pont en fond de vallée. Très vite, nous passons devant la terrasse d'un bar où nous nous attablons au soleil et commandons un café.

Pendant l'après-midi, nous avançons en suivant le balisage sans toujours parvenir à nous situer sur la carte topographique. Il semble y avoir de nouvelles routes ici et là. Nous ne rencontrons ni n'apercevons aucun autre membre de notre groupe de pèlerins.

Mercredi 5 octobre 2005

TRABADA − LOURENZA − MONDOÑEDO

Après le petit déjeuner, nous réglons nos chambres, chargeons nos sacs d'allégement dans la voiture et partons par le raccourci que nous indique notre hôtelier. Tout le monde semble satisfait du séjour confortable que nous venons de passer au manoir de Terrafeita. L'itinéraire balisé pour les pèlerins évite la grand route et ajoute quelques kilomètres au parcours direct.

Au col nous rejoignons une ligne de haute tension et la route LU132. Mon altimètre marque 440m.

Pour rejoindre Lourenza qui est le quartier méridional de Vilanova, le balisage nous amène de nouveau à délaisser la route LU132 et à partir loin des automobiles. Compte tenu du complément de distance, nous arrivons avec un peu de retard au rendez-vous général prévu devant le monastère de Santa Maria de Lourenza. Plusieurs pèlerins éparpillés sur les bancs du jardin qui forme parvis se restaurent sous un doux soleil. Ils ont ôté leurs chaussures et reposent leurs pieds. Nous passons faire tamponner notre crédencial à l'étage du bâtiment principal de l'ancien monastère. Il abrite maintenant des bureaux de la Mairie et on y monte par un escalier monumental.

Avant l'extinction des feux Véronique soigne une fois de plus les plaies et les bosses de Guy. Gérard, Pascal et Jean-Emile surveillent le travail.

Jeudi 6 octobre 2005

MONDOÑEDO − ABADIN

Michel et moi sommes de conduite de voiture ce matin. Nous partons les derniers au petit matin et avons du mal à trouver l'ancienne route de Lugo car tous les panneaux tentent de nous conduire là où nous ne voulons pas aller : la voie rapide. Nous faisons une halte sur le promenade bordée d'arbres du Sanctuaire de la Virgen de los Remedios, puis gagnons Gontan. À la pharmacie, on nous indique où se trouve le Da Feira où nous allons tous pouvoir loger. Nous déchargeons les sacs et faisons une longue et laborieuse analyse de la répartition des lits et des chambres. Nous partons ensuite visiter les bars qui offrent des chambres à Abadin et Chus qui s'occupe à la Mairie de la salle omnisports où les groupes de pèlerins trouvent un toit. Le temps est magnifique, le soleil brille, aussi nous nous rendons à la chapelle romane de Notre-Dame d'Abadin.

Peu à peu les pèlerins marcheurs arrivent. En milieu d'après midi avec les plus vaillants, nous repartons en promenade à la chapelle de Notre-Dame d'Abadin.

Vendredi 7 octobre

ABADIN − VILALBA

Une fois de plus la journée s'annonce magnifique, mais les prairies sont blanches de gelée.

Le refuge de Vilalba est situé dans une zone industrielle deux kilomètres avant la ville. Quelle curieuse idée d'implanter un refuge de pèlerins si loin du centre ! Le souvenir que conserve de Vilalba tout lointain pèlerin ne peut être positif !

Nous partons en voiture voir comment se présente l'itinéraire non balisé entre Baamonde et Friol. Nous l'avons établi avec les cartes 1/25000 de l'Institut Géographique National et sur le terrain, nous pouvons noter les repères et panneaux indicateurs. Très satisfaits, nous rejoignons Vilalba.

Ce soir, pendant la séance des soins, tous nous convenons que les hématomes de Guy se résorbent .

Samedi 8 octobre 2005

VILALBA − BAAMONDE 20 km par le chemin, 18 km par la route.

Nous convenons avec Jean-Emile de partager l'étape du jour en deux. Il marchera d'abord puis prendra seul le volant au Pont de Saa . Michel et moi commencerons en voiture et l'attendrons près de la rivière.

Par rapport au tracé de la route, le parcours balisé des pèlerins actuels est plus sinueux, mais plus tranquille. Hélas une nouvelle route est en construction et le chantier interrompt le balisage. L'entreprise de travaux publics a mis de façon humoristique à l'attention des conducteurs d'engins des panneaux de signalisation triangulaires " danger, passage de pèlerins !"

Le vieux pont de Saa a été remis à neuf ou exagérément restauré, mais le site est fort agréable. La campagne environnante est plaisante, la densité humaine est faible. Nous ne rencontrons pas de véritable village avant Baamonde notre ville-étape.

Après installation au refuge, chacun part à la découverte de l'endroit.

L'hospitalière qui parle français (elle a vécu à Saint-Maur en banlieue parisienne !) me déclare que passer par Friol est une très mauvaise idée. Elle reconnaît que la distance de 43 kilomètres à couvrir par l'itinéraire officiel pose problème. Sa solution est d'utiliser les services de son copain le taxiste. Autre originalité, elle vend des amulettes contre le mauvais œil !

En ville, nous faisons nos emplettes alimentaires et chacun visite la vieille église et ses calvaires, la maison musée de l'artiste local. Un fanatiques du rail comme moi ne peut qu'aller faire un tour à la gare et détailler ses dépendances. Sur place, il y a naturellement un ancien cheminot. Il évoque, nostalgique, les locomotives à vapeur, les caractéristiques de la voie présente et future.

Pendant ce temps, Gérard et Pascal partent en voiture reconnaître l'itinéraire jusqu'à Friol. Ils reviennent satisfaits et nous font part à table, au restaurant Galicia, des notes qu'ils ont pris. Pour finir, ils annoncent que nous ne pourrons pas dîner dimanche soir à l'hôtel Benigno de Friol.

Dimanche 9 octobre 2005

BAAMONDE-FRIOL 19 km

Au petit matin, notre petite troupe quitte le refuge de Baamonde. Le café où nous prenons notre petit déjeuner est fréquenté par plusieurs fêtards qui finissent ici une nuit qu'ils ont commencé la veille à Lugo, la capitale, aux fêtes de la Saint Froilan. Comme dans presque tous les bars d'Espagne, le téléviseur est allumé à toute heure. Selon la météo, la journée devrait être agréablement ensoleillée.

L'étape non balisée de Friol démarre par un pont sous la voie de chemin de fer, puis continue le long d'une aire de pique nique et un pont sur la rivière Parga. Nous disposons tous de photocopies des cartes de l'IGN (Instituto Geografico Nacional). Nous suivons les indications de notre feuille de route et nous nous dirigeons vers l'église de Pedrafita.

Nous arrivons en vue d'une carrière où on extrait probablement en semaine de grands blocs de granite gris clair. Plus au sud, nous passons au milieu des maisons de Cima de Vila,, Chao et Golmar. Enfin, conformément aux indications de notre feuille de route, nous laissons sur la droite le hameau et l'église de Lamas.

Dans une prairie, Gérard (sur le ventre), Monique, François et Marcel (sur le dos) font la sieste.

Plus tard, nous arrivons enfin à Friol et à l'hôtel " Casa Benigno ". Comme l'année passée, aucune enseigne ou inscription ne le signal. Par contre, deux autocars stationnent et le restaurant accueille un groupe du 3ème âge en excursion. En distribuant les clés des chambres, les patrons nous confirment qu'ils ne pourront pas nous faire à dîner car ils attendent un autre groupe de 15 personnes. Il s'agit d'autres français. Bizarre mais tant pis, ce n'est pas grave. Nous allons pique-niquer en plein air en faisant quelques emplettes et en piochant dans nos réserves. Nous nous demandons où vont loger ces 15 français ?

Nous passons faire tamponner notre crédencial à la Garde Civile. Marcel évoque l'époque où, gendarme, il devait de temps en temps inspecter et visiter les petites casernes rurales de ce genre. L'accueil est cordial et le coup de tampon vite obtenu.

Quand nous revenons à la Casa Benigno, le groupe du 3ème âge chante et danse. Un peu plus tard, les chauffeurs des autocars consultent leur montre et commencent à rameuter les fêtards. Pas d'autre groupe français en vue. Les patrons du Benigno doivent commencer à se dire qu'ils ont fait une gaffe et qu'il n'y a pas " d'autre " groupe de français et que nous sommes probablement " le " groupe de français. Ils envoient, en émissaire, leur employée la plus souriante et charmante pour nous dire que le groupe de 15 français semble ne pas venir et que, si nous voulons profiter du menu préparé, nous pouvons passer à table.

Lundi 10 octobre

FRIOL − SOBRADO de los MONJES 21km.


Nous retrouvons l'itinéraire parcouru en 2004 puisque, en venant de Lugo, nous avions fait étape à Friol, puis gagné Sobrado à l'ouest. Il s'agit d'une petite route campagnarde qui ne supporte pas un gros trafic. Peu après le passage à la province de La Corogne, nous retrouvons les coquilles du balisage du chemin du Nord. Le spectacle à l'arrivée au monastère cistercien de Santa Maria de Sobrado est somptueux.

On pénètre dans l'enceinte du monastère par un grand porche dominé par une niche où trône une curieuse statue usée par le temps de la Vierge Marie et de l'Enfant Jésus. La mère et le Fils montrent une tête ovale perchée en haut d'un long cou. Au delà du portail s'étale une vaste cour et on aperçoit l'immense église et les bâtiments de l'abbaye qui datent des XVIe, XVIIe et XVIIe siècles. À la conciergerie, l'accueil est cordial et fait chaud au cœur. On y voit des photos d'il y a quelques cinquante ans, quand le monastère n'était qu'un amas de ruines.

Dans l'abbaye, nous déposons nos sacs à l'hôtellerie des pèlerins et visitons les cloîtres, l'église, la sacristie, la cuisine romane et la salle du chapitre.

En ville, nous nous renseignons sur les endroits où notre groupe pourra dîner ce soir. Finalement nous prenons réservation dans une auberge rurale où nous disposerons d'une grande table dès 19h30.

En 1726, le paysan picard Guillaume Manier de retour de pèlerinage à Compostelle et se dirigeant vers Oviedo par le chemin de la côte passa ici. Il commente : " Sur l'église sont deux beaux clochers de pierre d'une hauteur prodigieuse, avec un beau portail à l'église, fait en sculptures en pierre ; il est superbe. "

Mardi 11 octobre 2004

SOBRADO − ARZUA 22km.

Au petit matin, nous quittons le monastère, chargeons les sacs dans la voiture et prenons notre petit déjeuner au premier café ouvert rencontré. Hélas, il pleut à verse mais comme dit Michel " L'ondée du matin n'arrête pas le pèlerin ". En général, il ajoute : " Mais ça le mouille ! ". À la sortie du village de Sobrado, nous repérons sur la gauche le chemin direct vers Castro. En 2004, nous étions partis par la route AC232 plus au nord, par les hameaux d'A Acea et d'A Louseira..

Plus loin, nous traversons As Corredoiras, puis Boimorto.

À Arzua, Michel et moi prenons une chambre à l'hôtel, puis repartons en promenade. Il recommence à pleuvoir et nous sommes vite trempés. Certains de nos compagnons ont trouvé place au refuge, d'autres logent en ville. À Arzua, la tranquillité des chemins secondaires, c'est fini. Nous avons ici rejoint le chemin traditionnel, le " camino francés " où les pèlerins sont nombreux, même en octobre.

Mercredi 12 octobre

ARZUA − SANTA IRENE 17km.

Ce matin le temps est gris mais il ne pleut pas. C'est Geneviève qui est au volant de la voiture aujourd'hui et transporte les sacs. Sur la place d'Arzua, nous nous arrêtons au même café que l'an passé pour prendre notre petit déjeuner. Dans les arbres, une nuée d'oiseaux migrateurs font un chambard du diable avant de prendre leur envol.

Nous trouvons qu'il y a beaucoup de pèlerins sur le chemin, surtout des espagnols et des allemands et pas mal de jeunes. Nous nous attardons quelques instants devant le petit monument qui rappelle la mort du pèlerin Guillaume Watt survenue en 1993, puis repartons. Vers midi, nous nous arrêtons pour partager pain, sardines, fromage, riz au lait. Quand nous arrivons au sommet de la côte de Santa Irene et ses quelques maisons, nous savons que l'arrivée au refuge est toute proche. Nous hésitons à faire les derniers hectomètres sur le bitume et optons pour allonger la fin du parcours en suivant les flèches jaunes.

Au refuge, il fait bon. Nous n'avons pas de nouvelle des deux qui devaient se joindre à nous à Arzua.

Demain, nous serons à Saint-Jacques.

Jeudi 13 octobre 2005

SANTA IRENE − COMPOSTELLE 23km.

Après le petit déjeuner, les marcheurs partent dans la nuit pour la dernière étape. Michel et moi avons la mission de rendre la voiture à l'aéroport de Lavacolla. Le plus difficile est de trouver une station-service, car nous devons rendre la voiture avec le réservoir plein. Nous repartons à pied de l'aéroport et suivons l'ancienne route qui supporte un trafic automobile relativement intense.

Michel et moi sommes les premiers à arriver à la Porte du Camino où nous avons tous rendez-vous. Pour moi, c'est inhabituel. car je suis généralement le dernier.

Nous nous entassons au pied du beau calvaire de Bonaval pour les photos. C'est comme d'autres fois le bonheur d'être tous bien arrivés. Guy a certes encore quelques cicatrices

Nous gagnons la cathédrale, puis le service d'accueil des pèlerins rue du Villar où Guy connaît tout le monde. Ensuite les uns rejoignent l'hôtel Suso et les autres le Mapoula.

Je pars à l'ouest à la recherche des derniers jardins potagers du quartier " das Hortas "

Vendredi 14 octobre.

À la mi journée, après la messe des pèlerins et la cérémonie du botafumeiro, nous nous retrouvons tous à la Chapelle de la France. À quelques uns, nous allons ensuite déjeuner au nord, dans le quartier San Roque près de l'imposant (et un peu sinistre) monastère de Sainte Clara dont l'église est dominée par un énorme cylindre en granite. L'après-midi, les uns et les autres, nous visitons chaque recoin de la vieille ville ou de ses musées. Le soir, le dîner d'adieu nous réunit tous.

Le samedi 15 octobre au matin tout le monde se retrouve à la gare de chemin de fer pour le train d'Hendaye qui ne comporte que deux voitures.


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