Jules Verne place des feux de saint-elme dans son Voyage au centre de la terre (chap. XXXV)
"Voilà du mauvais temps qui se prépare."
Le professeur ne répond pas. Il est d'une humeur massacrante, à voir l'océan se
prolonger indéfiniment devant ses yeux. Il hausse les épaules à mes paroles.
" Nous aurons de l'orage, dis-je en étendant la main vers l'horizon, ces nuages
s'abaissent sur la mer comme pour l'écraser ! "
Silence général. Le vent se tait. La nature a l'air d'une morte et ne respire
plus. Sur le mat, où je vois déjà poindre un léger feu Saint-Elme, la voile
détendue tombe en plis lourds. Le radeau est immobile au milieu d'une mer épaisse
et sans ondulations. Mais, si nous ne marchons plus, à quoi bon conserver cette
toile, qui peut nous mettre en perdition au premier choc de la tempête ?
"Amenons-la, dis-je, abattons notre mât ! Cela sera prudent !
- Non, par le diable ! s'écrie mon oncle, cent fois non ! Que le vent nous
saisisse ! que l'orage nous emporte ! mais que j'aperçoive enfin les rochers
rivage, quand notre radeau devrait s'y briser en mille pièces ! "
Ces paroles ne sont pas achevées que l'horizon du sud change subitement d'aspect.
Les vapeurs accumulées se résolvent en eau, et l'air, violemment appelé pour
combler les vides produits par la condensation, se fait ouragan. Il vient des
extrémités les plus reculées de la caverne. L'obscurité redouble. C'est à peine
si je puis prendre quelques notes incomplètes.
Le radeau se soulève, il bondit. Mon oncle est jeté de son haut. Je me traîne
jusqu'à lui. Il s'est fortement cramponné à un bout de câble et parait considérer
avec plaisir ce spectacle des éléments déchaînés.
Hans ne bouge pas. Ses longs cheveux, repoussés par l'ouragan et ramenés sur sa
face immobile, lui donnent une étrange physionomie, car chacune de leurs
extrémités est hérissée de petites aigrettes lumineuses. Son masque effrayant est
celui d'un homme antédiluvien...
Source Hetzel, 1867
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