ASSOCIATION FRANÇAISE des PÈLERINS de SAINT JACQUES de COMPOSTELLE
Merci à Jean-Baptiste de nous ouvrir le monde des pèlerins à vélo, pèlerins
que nous rencontrons le soir à l'étape et qui nous saluent en nous dépassant sur le chemin.
LE CAMINO DEL NORTE À VÉLO - SEPTEMBRE 2014
par JEAN-BAPTISTE MAURIN ©.
NOUS VOILÀ PARTIS, Henri et moi, pour une nouvelle aventure en Espagne. Aventure
mesurée car nous ne partons pas dans le désert et des millions de curieux ont
pris ce chemin, le long de l'océan, pour essayer de suivre la course du soleil,
découvrir ce qui se cache derrière l'horizon pour aboutir au cap Finisterre et
trouver les ressources physiques et morales pour résister au découragement.
Nous savons que ce chemin est moins fréquenté que le Camino Francés mais peut être plus
"civilisé" que la formidable Via de la Plata expérimentée il y a un an.
Nous sommes partis tôt de Marseille dans la nouvelle automobile d'Henri pour
arriver vers une heure à Saint-Jean-de-Luz où nous nous changeons chez les Villers
et où nous laissons la voiture, devant chez eux, sous leur surveillance.
Nous prenons le train et montons sur nos vélos à Hendaye pour franchir la Bidassoa
sur le vieux pont et intégrer l'albergue d'Irun qui nous délivre la créanciale,
(L'AFPSJC a choisi le terme crédencial) indispensable en Espagne.
Il y a là un grand nombre de marcheurs et de cyclistes. On nous fait remiser nos
vélos dans un grand sous-sol aux allures de garage, rangement, atelier, où sont
installés des lits superposés. On nous propose de nous installer là et nous faisons
l'erreur de refuser.
Par conséquent, nous sommes à l'étage dans une pièce minuscule
avec deux fois deux lits superposés tous occupés. On est serrés comme des sardines.
On va visiter Irún. On entre dans la cathédrale Notre-Dame de Junqual : elle est
pleine de fidèles qui attendent la messe de 19 heures. Un lundi ! On va prendre des
tapas sympas devant l'ayuntamiento; dans le fond, tout près, le paysage basque :
maisons aux boiseries rouges, prairies vertes, vaches claires. On termine par une
glace à une boule.
À 20h30 au lit et dodo immédiatement ; je suis protégé par les boules du docteur Quiès.
MARDI 2 SEPTEMBRE 2014.
L'itinéraire ne propose aucun parcours d'échauffement, nous
sommes tout de suite dans les 10 % jusqu'au sanctuaire de Guadalupe. Il fait beau,
un temps idéal pour le vélo et la marche, la vue se révèle peu à peu sur la plaine
de la Bidassoa, Irún, Hendaye, la Rhune au loin. C'est magnifique. À la chapelle,
une messe se termine, c'est la fin d'un pèlerinage local. Certains redescendent
à Irun en car et en voiture, la plupart étaient venus à pied et font de même au
retour. Beaucoup de monde. Une jeune femme pleure à l'écart de la foule...
Nous repartons après avoir recueilli un coup de tampon de la dame qui propose des
amulettes dans une cabane, déçue de ne pas nous avoir vendu une image de la vierge
noire de Guadalupe : pas de folies.
On continue à monter (on croyait que c'était fini) et c'est dur mais splendide.
Cette fois la vue est vers le nord, vers l'océan que l'on domine. On monte jusqu'à
500 mètres, jusqu'au Jaïzkibel. À un point de vue on s'arrête et on discute avec
un Espagnol à vélo. Je repars le premier et l'Ibérique se met dans ma roue ; au
bout de cinq minutes il halète et vingt minutes après il craque. C'est la première
fois depuis longtemps que je lâche quelqu'un...
Enfin nous descendons vers San Sebastian qui se détache au loin et très bas, dans
la brume que l'océan vaporise. Plus on s'approche, plus c'est raide et des escaliers
se présentent à la fin, jusqu'au bord de l'eau où une longue barque nous attend
pour franchir l'estuaire San Juan avec d'autres pèlerins dont le Français qui
ressemble à Jean-Jacques Goldman.
De l'autre côté nous suivons le parcours des marcheurs jusqu'au pied d'escaliers
très raides dont plusieurs gars du cru nous disent qu'ils sont impraticables pour les cyclistes.
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Un agent de police fort aimablement et parlant français nous donne la solution :
demi-tour, petite montée et redescente directe sur la plage de San Sebastian.
En fait deux plages immenses. Nous faisons un arrêt au bout de la dernière,
Ondarreta, où nous commandons des pâtes pour Henri et des tomates pour moi.
Après la plage, la route remonte. On suit les flèches jaunes qui indiquent leur chemin
aux pèlerins que nous voulons être. Encore une fois on se retrouve au bout d'un moment sur un
parcours digne des championnats du monde. On s'en sort en se poussant et se tirant
mutuellement. Un peu plus loin, on domine largement l'océan, c'est magnifique.
Ça monte toujours et on fait une halte à côté d'un camping-car où deux couples
de Français sont attablés.
On discute gaiement un petit moment, ils nous offrent de la bonne eau fraîche.
Ça monte toujours et on se fait doubler par une fille qui marche à pied (elle n'a pas de sac).
Après Igeldo (Igueldo) on redescend sur le port d'Orio. Évidemment l'auberge repérée sur
le guide est en haut du village, au moins 150 mètres de dénivelé, très raide.
Pendant cette montés, faite en poussant le vélo, je crève de la roue arrière...
Dans cette auberge nous rencontrons une femme très sympathique, Marie-Françoise,
venue à pied de chez elle, Châteauneuf-sur-Loire, près d'Orléans.
Pèlerins, si tu ne crains pas les ronfleurs dans un dortoir, tu peux t'arrêter là,
tu seras bien reçu par une dame très gentille ; elle a un abord un peu sévère mais
si tu sais t'y prendre, elle te réservera quelques clins d'œil de connivence.
Il y a là beaucoup d'étrangers, des Allemands, une charmante Viennoise qui marche
très vite et qui connaît la rue Darwingasse.
Après ma douche je me rase au lavabo lorsque arrive une jeune Allemande en maillots
de bain qui entre dans une cabine de douche : normal. Peu de temps après, arrive
un jeune Allemand qui va prendre sa douche : normal. Il entre dans la cabine déjà
occupée par sa compatriote, laquelle avait omis de fermer à clef : normal.
La douche ayant été actionnée ne parvient pas à couvrir différents bruits normaux.
Discrètement, je m'éclipse, rasé de près.
Nous faisons un excellent repas en compagnie des deux jeunes Allemands, qui
paraissent affamés : soupe de légumes du jardin épaisse, délicieuse, bien chaude,
salade de scaroles, tomates et oignons, merluza (colin), frites à volonté. Comme le vin.
L'eau est fraîche. Le dessert est fait d'une poire au sirop avec une glace.
Nous sommes dans une très belle maison basque avec un beau jardin bien entretenu,
en pente douce vers un paysage typique de prairies vertes et de forêts sombres.
Vraiment un très bel endroit, albergue San Martin à Orio. Il y a énormément d'églises,
chapelles et ermitages dans la région, dédiée à saint Martin de Tours. Je suppose
que le clergé local a vu tout le parti qu'il pouvait tirer en attirant dans ces
lieux des pèlerins français qui avaient au Moyen Âge une dévotion extraordinaire
pour ce centurion romain.
MERCREDI 3 SEPTEMBRE.
Au petit matin nous redescendons au niveau de la mer (bien entendu hier soir
j'ai réparé ma chambre à air crevée) et aussitôt nous attaquons un petit col
jusqu'à 500 mètres, ça calme, sans échauffement. La descente et l'arrivée sur
Zarautz sont très belles, de même que la corniche entre cette ville et Getaria.
On ne peut pas décrire les 5 kilomètres de promenade le long de l'océan, parcourus
par une foule de promeneurs de tous âges, joggeurs hygiéniques ou sportifs de
bon niveau. Il fait très beau, il n'y a pas de vent, ils ne sont peut être pas
habitués et ils sortent tous. Très peu de bateaux.
À Getaria, on se trompe et on fait une grande boucle par l'intérieur, dans les
vignes et les plantations ; c'est dur, la vue est magnifique, on s'élève peu à
peu en découvrant une immense paysage et on retrouve le parcours, le chemin et
la nationale que l'on suit jusqu'à Itziar où il y a un sanctuaire Saint-Martin.
La descente jusqu'à Deba, au bord de la mer, offre des points de vue formidables :
grande plage puis route en corniche très belle jusqu'à Mutriku où je prends,
comme Henri, mon premier coca. Nous commençons à fatiguer un peu et il reste 19
kilomètres pour terminer l'étape prévue. Les quatre premiers sont en descente
jusqu'à Judarroa, un port très curieux et pittoresque. Là nous quittons la côte
pour remonter le rio Artibal jusqu'à Ivra. Au début c'est facile puis ça commence
à monter sévère et surtout la route est étroite et il n'y a aucun bas-côté,
sauf un fossé profond. Lorsqu'il y a des voitures en face, celles qui circulent
dans notre sens ne peuvent pas doubler ; nous, on ne peut pas se ranger, ni
même s'arrêter, c'est super dangereux. Il y a des cars, de gros camions.
C'est une horreur.
Arrivés à Markina, l'auberge municipale est complète ; on cherche un hôtel, il
n'y en a aucun... On nous avait indiqué une auberge privée, on se renseigne, il
faut retourner sur nos pas sur 6 kilomètres. On n'a pas le courage... Finalement
on téléphone et elle se trouve à 1 kilomètre, on la découvre et on est sous la
douche à 17 heures. On a eu chaud !
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On est dans la casa rural Inchauspe (Intxauspe), une chambre pour deux, draps
et serviettes, 20 euros chacun. Le repas est à 9 euros.
19 h 30, antes de la comida, un pèlerin flamand très costaud me dit que
je suis le Picasso du Camino.
Nous sommes dans une belle maison, avec une belle vue sur la campagne basque.
La soirée est douce avec une petite bière que je déguste en faisant mon dessin.
L'aubergiste nous place à table avec des Français de l'île d'Oléron et une
Bordelaise qui marche avec sa fille ; elle est à côté de moi, un sourire charmant.
Il y a des moments où on regrette d'être cycliste et pèlerin (et marié, et vieux).
La nuit est tranquille. Henri ne ronfle pas.
JEUDI 4 SEPTEMBRE 2014.
Très petite forme ce matin et toute la journée. Nous avons quitté le
littoral pour couper vers Bilbao ; c'est le chemin des pèlerins qui le veut.
Mais nous restons sur la carretera car nous craignons les pièges du sentier.
Bien nous en a pris : nous rencontrons le cycliste que j'avais largué le premier
jour, il a vécu une grande galère dans la forêt.
Cela dit, le goudron n'est pas donné, les dénivelés sont importants mais ce
sont de petites routes peu fréquentées.
Dans presque tous les villages les églises sont fortifiées et sont entourées de
halles magnifiques qui servaient au Moyen Âge à la réunion des villageois pour
discuter des affaires publiques. Aujourd'hui l'influence des clercs est
remplacée par celle de la télé.
Première halte à Bolivar, patrie du libérateur américain
ou plutôt de sa famille car lui est né à Caracas : statue,
musée. Première église fortifiée avec préau.
À Munitibar on s'arrête pour un café crème avant un
parcours agréable jusqu'à Gernika où je prends le sello
de l'office du tourisme. Tout rappelle ici le bombardement du 26 avril 1937 par la légion Condor.
Moi, je me rappellerai toujours qu'en pleine ville, j'ai été bloqué par un passage
à niveau fermé, un peu comme si le train traversait la rue Saint-Ferréol
à Marseille...
Le tampon contient un arbre, c'est un chêne dont la symbolique m'échappe pour le moment.
On achète des fonds d'artichauts au jambon et deux bananes.
On se retrouve dans une nouvelle et longue montée. Je suis déjà usé et je m'use
encore plus. On arrive au col de Gerekiz et le guide Grégoire-Pinguet (pèlerin,
méfie-toi grandement) prévoit que pour les cyclistes la route « descend à droite »
vers Larrabetzu par la BI 2713. En fait la BI 2713 part à gauche et surtout,
après 300 mètres de descente elle remonte encore plus haut pendant une heure et demie !
Au pied du col on s'arrête devant l'église de Urgate, fortifiée, avec préau.
Elle est fermée. On casse la croûte à Eskerita. On finit par descendre de la montagne vers Bilbao.
À Lezama il y a un gîte municipal. Henri ne se serait certainement pas arrêté
dans cette ville qui a peu de caractère et paraît être une banlieue dortoir de Bilbao.
Il est 15h30, je suis cuit et nous entrons dans la grande ville où on va perdre
du temps et ainsi je me reposerai moins. Donc on cherche l'albergue dont le guide
(toujours le même) nous dit qu'elle est « à côté de l'église ».
C'est faux, elle est à l'opposé par rapport à la route qui traverse le village.
On s'installe, sous les directives sympathiques de Luis, l'hospitalier. Il nous
lave le linge et le sèche. Je dors.
Vers le soir on va prendre une bière et un menu pèlerin excellent, copieux, pour 8 euros.
Les Espagnols commencent à sortir, tous les bistrots (quatre ou cinq) sont pleins
de jeunes et de vieux. Les enfants sont tous dehors et jouent ensemble. Une fête
foraine se prépare, à deux pas du gîte, avec dancing, autos tamponneuses, tirs à la cible.
Dans le gîte nous sommes alignés (vingt-deux dormeurs) contre une baie vitrée qui
donne sur la fête et par-dessus le marché, nous sommes exactement dans l'axe de
la piste d'atterrissage de l'aéroport de Bilbao, à 2 kilomètres. La nuit va être
chaude pour ceux qui n'ont pas de boules Quiès. Je me couche à 9 h 15 après avoir
rempli mon carnet, une demi-heure après Henri.
J'allais oublier un événement triste pour moi : ce matin, une heure après le
départ je me suis rendu compte que j'avais perdu dans la nuit le bracelet tricolore
confectionné par Anita. Je suis perturbé.
À 10 heures les lumières du dortoir sont toujours allumées et des pèlerins (?)
espagnols et américains discutent de plus en plus fort à trois mètres des lits.
Malgré un cache sue les yeux et les boules Quiès enfoncées jusqu'au cervelet,
je n'en peux plus et je craque. Je me dresse sur mon séant et crie en espagnol
que je veux dormir. Ils comprennent le sens général ; la lumière s'éteint et un
silence monacal s'installe. L'Américain d'origine asiatique qui est à côté de
moi sur le lit superposé saute en hauteur en se servant de mon lit comme tremplin, sympa.
Cinq minutes plus tard son téléphone sonne au pied du lit et il saute à nouveau,
en s'appuyant sur mon lit, sympa. Il remonte selon le même procédé, sa maman ne lui
a pas appris la politesse ; je crie « don't schake my bed, please ».
Il s'en moque totalement et au petit matin il recommence.
Tout ce que j'ai lu dans les récits et les blogs sur les méfaits de la promiscuité
et que j'ai toujours trouvé exagéré est concentré ce soir et cette nuit dans le
dortoir de Lezama. Je suis certain qu'un autre soir, tout pourra être différent.
Pas de chance.
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VENDREDI 5 SEPTEMBRE.
Journée extrêmement riche. Henri prépare le petit déjeuner
avec des rations vietnamiennes achetées à Istres (n'importe quoi...), un croissant,
une brioche et un yaourt. Je suis en forme, mieux qu'hier.
On prend la route car l'hospitalier nous dit que l'itinéraire des marcheurs, par
le mont Abril, est impossible. À Zamudio, un cycliste espagnol nous double et
nous attend un peu plus loin en nous arrêtant. Il nous explique que l'entée de
Bilbao que nous allons prendre est très pénible ; c'est une route très fréquentée
avec des cars, des bus, et qui monte. Il nous conseille de prendre le train
à Derio, à 3 kilomètres. C'est ce que nous faisons et nous débarquons dans la
vieille ville par un système d'ascenseurs très pratique. On se fait tamponner
à l'office du tourisme et on entreprend la longue traversée de la ville, lentement,
sur les trottoirs. On prend un café crème et on achète le Monde. On apprend que
Valérie Trierweiler vient de sortir un livre dans lequel elle évoque sa relation
avec notre Président. C'est bien pour çà que je ne fréquente pas n'importe qui ;
je n'ai pas envie de voir ma vie étalée sur la place publique...
Pour sortir de Bilbao, il faut longer l'estuaire et les faubourgs industriels.
Il y a une belle piste cyclable où toute la population se retrouve pour respirer
l'air iodé en faisant de l'exercice. Un instant d'hésitation sur le parcours
nous fait interpeller un cycliste qui non seulement nous renseigne (on veut aller
à Portugalate) mais encore nous accompagne en faisant demi-tour. Il est très sympa.
Au bout de 7 ou 8 kilomètres on est arrivés et Henri lui demande où il pourrait
faire l'emplette d'un maillot de cycliste. Demi-tour, 5 ou 6 kilomètres de plus
et il nous emmène chez Décathlon. Il nous laisse là avec les indications pour
retrouver le camino. Il me dit que j'ai l'allure générale d'un Basque.
Henri achète son maillot et nous reprenons une piste cyclable très agréable sur
plus de 10 kilomètres, jusqu'à la mer au lieu dit "la Arena", grande plage.
À partir de là ça va être une galère importante jusqu'à Castro Urdiales car il
fait chaud, ça monte puis ça descend, puis ça remonte encore plus haut, ça n'en
finit pas, même l'océan, tout en bas, ne nous distrait pas. Je deviens de mauvaise humeur.
On a du mal à trouver un gîte. L'albergue communal est complèt. On trouve une
pension sur le port où nous prenons chacun une chambre pour ne pas être dans un lit matrimonial...
J'arrive à faire un dessin sur le port et nous mangeons des tapas et raciones
dans une petite rue. Toute la population est dehors, c'est incroyable.
On ne voit ça chez nous que le 14 Juillet, en encore...
Curieusement il n'y a pas de musique. Nous prenons le dessert, un excellent
gâteau chez Merino, sur le port. Chacun dans notre chambre, pas de boules Quiès cette nuit.
SAMEDI 6 SEPTEMBRE 2014.
Le desayuno se prend chez Merino qui remplit aussi nos gourdes, avec des glaçons...
Au moment de prendre son vélo Henri glisse sur le sol carrelé de la promenade,
très humide; il tombe sur son mauvais côté. Il n'est pas blessé mais il a mal.
Il pédale quand même très bien pour sortir de Castro Urdiales par une côte facile et
une descente pour atteindre Islares, au bord de l'eau avec une grande plage de sable.
De là on quitte la côte par une bonne et sérieuse grimpette peu agréable à droite
puis à gauche puis à droite de l'autoroute. Puis belle descente dans une large
cuvette et la ville de Ilendo où nous prenons un second desayuno avant une nouvelle
côte raisonnable et descente sur Laredo, très grande ville au fond d'une
grande baie fermée. C'est samedi et il fait très beau, tout le monde est à la
plage que nous longeons pendant 4 kilomètres pour prendre la navette maritime
qui nous transporte de l'autre côté, à Santoña, avec d'autres pèlerins dont le
cycliste qui roule moins vite que moi, mais qui est toujours là...
De l'autre côté il y a autant de monde ; c'est l'heure de l'apéro, tout le monde
est attablé. Nous passons au milieu de cette foule qui doit nous prendre pour des cinglés.
Le trajet ensuite n'est pas très difficile et nous avons un joli vent dans le dos.
Nous comptons nous arrêter à Güemes mais un peu avant, au bord d'une petite route,
s'offre une auberge qui n'est sur aucun guide car elle a ouvert en août de cette
année. Elle est tenue par Miguel qui a aménagé cette ancienne ferme ou bâtiment
agricole qui lui appartient. Tout est neuf. Personne d'autre ne
s'arrêtera. Il est 15 heures. Nous avons tout le temps devant nous. Je dessine le gîte.
On se repose bien et on lave notre linge. Finalement à 20 heures arrive un Belge
flamand avec un petit chapeau, très jeune et sympa. On passe une très bonne nuit.
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DIMANCHE 7 SEPTEMBRE.
Cette auberge était une bonne idée. Nous la recommandons aux pèlerins.
La suivante est à Gùelmes, à 7 kilomètres de là et ceux qui y ont passés la nuit
sont également très satisfaits.
Le départ se fait dans la brume. Le pays est très vert, fait de petits vallonnements
et parsemé de hameaux. La météo est pessimiste et les fermiers se dépêchent de
récolter le maïs avec leur énorme machine qui coupe et égraine. Les premières
côtes sont raides et le Flamand va aussi vite que nous.
Nous nous dirigeons vers le golfe de Santander en suivant le chemin des piétons.
Arrivé à la mer, le sentier monte et descend sans cesse. Nous sommes à 5 kilomètres
de l'embarcadère qui nous permettra de traverser jusqu'à Santander.
Là, nous rencontrons un cycliste qui nous dit de quitter les flèches amarillas
et de le suivre. Nous roulons avec lui, à bonne allure, jusqu'à l'embarcadère
où nous rencontrons le cycliste que j'ai lâché le premier jour et un marcheur
solitaire parti d'Orléans. Agréable traversée, le temps est magnifique et la mer plate.
La découverte des magnifiques quais de Santander qui sortent de la brume est une surprise.
Nous prenons un desayuno devant la cathédrale puis reprenons notre route en
suivant les flèches qui nous font quitter le goudron. C'est agréable mais il fait
chaud et ça devient dur.
Le guide nous explique qu'à Boo on peut éviter un grand détour en prenant le train
qui fait traverser une lagune. On trouve que c'est une bonne idée et on l'améliore
un peu en allant jusqu'à Torrelavega.
De là nous rejoignons le chemin à Santillana del Mar, un des plus beaux villages
d'Espagne comme disent les guides et Jean-Paul Sartre. Le gîte est formidable et
nous visitons la collégiale Santa Juliana avec son cloître. Il y a la beaucoup
de touristes dans les bodegas et dans les magasins de souvenirs, mais presque
personne pour visiter la collégiale. C'est pourtant un édifice roman exceptionnel.
Les rues de la ville, pavées à l'ancienne et bordées d'antiques maisons, sont très pittoresques.
Je dessine la collégiale en buvant une bière et quelques gouttes de pluie font
leur apparition, pour la première fois depuis notre départ. Le repas se prend
dans un très bel endroit nommé El Jardin, pour un prix pèlerin, servi par une
très aimable Nigérienne.
En passant devant le parking du parador, on admire une magnifique Morgan avec sa
housse et sa malle en osier ; on échange nos impressions sur cette voiture avec
un couple de touristes anglais.
Visite de l'exposition d'aquarelles de Juan Cabrero Cebrera. Excellent
LUNDI 8 SEPTEMBRE 2014.
La superbe ville de Santillana est dans une cuvette où se
trouvent les grottes d'Altamira ; il faut donc faire un petit effort pour en sortir.
Les montées et descentes ne sont pas difficiles jusqu'à Comillas, très
belle ville aux monuments nombreux, au bord de l'océan.
À voir.
La descente sur San Vicente de la Barquera et la traversée de la baie sur le long
pont sont de beaux moments. On arrive dans cette ville à midi, il fait très beau
mais on renonce à s'arrêter pour casser la croûte. Il y a trop de monde, les
distractions foraines s'installent, les bombes explosent dans le ciel : c'est
la fête de la ville. On s'enfuit sans monter jusqu'au Castillo del Rey,
c'est trop raide. On prend par la montagne, c'est très beau : la Acebosa,
Hortigal, Estrada, Serdio. Dans ce dernier village, à son sommet, on casse
la croûte sur une aire de descanso, avec un vieux du village, assis sur un banc,
les yeux rivés sur le magnifique tableau qu'il a devant lui et qui est certainement
le cadre de sa longue vie. Son regard est plein de nostalgie.
De là on redescend à grande vitesse sur Pasues puis sur Unquera où nous retenons
une habitacion à la pension Rio Deva, au bord de la rivière.
Nous faisons nettoyer notre linge à la buanderie voisine et assistons à la grande
étape de montagne de la Vuelta, gagnée par Contador. Pugilat entre deux coureurs.
je vais dessiner la rivière et le pont que nous franchirons demain tandis que
Henri fait quelques courses et va repérer un lieu pour le dîner. Il va également
à la gare et se renseigne sur les horaires et les parcours : la météo est très
pessimiste et il se pourrait que nous ayons besoin de nous réfugier dans un wagon
pour une durée plus ou moins longue.
Il y a absence totale de pèlerins ici ce soir...
La cena se prend chez une Brésilienne : salade et spaghettis.
MARDI 9 SEPTEMBRE.
Nous franchissons le rio Deva pour poursuivre notre route. Malgré une météo pessimiste,
il fait beau et nous ne prenons pas le train. Le parcours est beaucoup plus facile
que les jours précédents et nous prenons un grand plaisir à appuyer un peu sur
les pédales dans les grandes lignes droites plates. Aujourd'hui nous ferons plus
de 50 kilomètres.
Pause sérieuse dans un très beau port : Llanes, où on prend un
crème avec croissant On visite l'église qui a un très beau porche roman et un
intérieur très riche : grand retable avec un Santiago très mignon, une vierge
à l'enfant sous verre, richement couronnée comme son fils et vêtue de tissus
somptueux, un Christ descendu de croix, allongé, sous verre, aux blessures
sanguinolentes, on s'attend à l'entendre crier...
Après Llanes la route est toujours agréable, bien qu'éloignée de l'océan.
Bientôt on descend sur Ribadesella, c'est magnifique. Le gîte, qui est également
une auberge de jeunesse, se trouve de l'autre côté du port. C'est une belle maison dans le
style "middle class" français fin du dix-neuvième siècle, construite comme
quelques autres, plus belles encore, sur la promenade de la plage, par des émigrés
revenus de Cuba ou d'Amérique du Sud, les "Indianos".
Tout le long de la route nous en avons admirées de nombreuses. Après une promenade
en ville à vélo, je dessine le gîte et la promenade. On se croirait à la Baule.
On va prendre le menu peregrino en ville, à vélo.
Dans le village les touristes sont attendus par de nombreux restaurants offrant
d'excellents produits de la mer, à des prix dignes de la côte d'Azur. Un peu à
l'écart nous trouvons la casa Pachy qui fait des prix pèlerins et une excellente
cuisine. Nous nous régalons avec des mejillones et des chipirones.
Nous prenons le pont sur le rio Sella pour retrouver notre lit, prudemment car
la nuit est venue et nous n'avons pas de lumière.
En arrivant ici vers 14 heures nous sommes allés directement à l'office de tourisme
pour faire tamponner nos créanciales. Comme d'habitude j'ai présenté mon carnet
pour le faire tamponner aussi et j'ai même pris le tampon, comme je le fais souvent.
Je n'ai jamais rencontré le moindre problème. J'ai même vu parfois dans les yeux
de l'agent municipal l'envie de suivre le tampon sur les routes, une envie
d'horizon, un rêve de jonque.
Mais voilà que la préposée de Ribadesella, une certaine Carmen, m'arrache le tampon
des mains en me disant que mon carnet n'est pas un document officiel, que je n'ai
pas le droit d'y apposer son tampon.
Je reste interloqué : un morceau de la bêtise humaine s'est installé à Ribadesella,
officiellement, avec la garantie de l'autorité administrative.
Avant de rentrer j'ai Anita au téléphone qui a pris le parti de me parler anglais.
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MERCREDI 10 SEPTEMBRE 2014.
Avec plusieurs jours de retard, le temps correspond ce matin à la météo. Notre
itinéraire quitte la côte pour pénétrer dans l'intérieur par la montagne.
Nous craignons d'être pris par le mauvais temps et nous prenons le train de 8h32 pour Oviedo.
Le chef de gare me gratifie de son tampon pour prouver que la bêtise de
Carmen n'a pas gagné tous les agents de l'administration.
Nous avons quelques difficultés à comprendre ce qui est géré par Renfe et ce qui
l'est par Feve. On se débrouille comme on peut pour passer les vélos dans des
systèmes d'ascenseurs et de péages compliqués et on se retrouve
après Avilès en ayant traversé de beaux paysages de montagne
et la grande ville d'Oviedo que nous connaissons déjà.
Quand nous arrivons sur la côte, le temps est beau mais nous découvrons un
parcours difficile : les villages du bord de mer sont au fond de fjords encaissés
et c'est ainsi que nous descendons longuement et par une pente très raide dans
le port de Cudillero.
C'est un peu la configuration des Cinque Terre. L'océan est calme comme la
Méditerranée, ce qui ajoute à la comparaison.
Tous les restaurants sont pleins de touristes et nous sommes plus dans une
ambiance de vacances que de pèlerinage.
Le village est très pittoresque ; les sujets de dessins sont nombreux et je trouve
sur le quai un endroit confortable pendant qu'Henri fait quelques courses pour
demain, comme d'habitude. Le gîte Arver recommandé par le Routard est convenable,
sauf qu'il faut descendre les vélos par un escalier très étroit.
JEUDI 11 SEPTEMBRE.
Nous quittons avec difficulté la cuvette de Cudillero en
remontant les mochilas et les bicis en sens inverse dans l'escalier
puis en escaladant la pente qui nous ramène sur la route de l'ouest, vers Ferrol
et La Corogne. C'est une petite route, sans grande circulation, qui monte et
descend pour contourner les crêtes et franchir les thalwegs.
De temps en temps, un petit plateau avec vue sur la mer avec petit village et
grandes maisons d'Indianos.
Partout des horreos cubiques quelquefois transformés en habitation et mêmes de
grandes villas qui ont la forme d'un horreo. En dehors des villages et des plateaux,
grandes forêts d'eucalyptus, de chênes et de châtaigniers. Une de nos plus belles
étapes (un peu aussi parce qu'on commence à être entraînés).
Nous traversons Las Dueñas, prenons un second desayuno à Soto de Luiña, passons à
Albuerne, Novellana, Castañeras, Santa Marina, Ballots. Nous cassons la croûte
à Tablizo, continuons par Cadavedo, Villadenoros, Quintana, Queruas.
Un peu avant Canero, on passe un pont et on remonte un rio. Je m'arrête pour
observer l'eau qui est claire et basse et présente une grande agitation : il y
a là des centaines de saumons et de truites en train de frayer sur les galets.
Henri est devant et s'arrête au sommet de la côte ; il y a là un établissement
qui reçoit les pèlerins et les reçoit bien. Nous avons une bonne chambre et après
la douche (et après avoir fait laver notre linge) nous allons à la playa de
Cueva, toute proche.
Nous nous baignons et observons les poissons, tout près de l'estuaire.
Je fais un dessin de la plage et des falaises qui la ceinturent, avant d'aller
me reposer une bonne heure.
Près de l'hôtel, à l'endroit où il y a le plus de poissons, une dizaine de gros
hérons sont perchés sur les eucalyptus et attendent que le reflux rende leur
tâche plus aisée.
VENDREDI 12 SEPTEMBRE 2014.
Aujourd'hui le terrain est plus facile et nous allons rouler plus de 60 kilomètres
mais l'environnement est moins agréable ; nous quittons les riches Asturies
pour entrer dans la pauvre Galice. Nous rencontrons nos premiers horreos galiciens.
Non loin de Castropol, une femme guide un âne attelé à une herse qui date du Moyen Âge.
Nous franchissons la ria de Ribadeo par une passerelle très étroite, plus de 100
mètres au-dessus de l'eau et longue de près d'un kilomètre ; c'est assez
impressionnant mais on peut passer en roulant sur les vélos à condition de
rouler bien droit.
De l'autre côte, la gare de Ribadeo nous tend les bras car nous voulons éviter
les zones industrielles et les grandes agglomérations de Ferrol et de La Corogne.
La ligne conduit à Ferrol et il faut en reprendre une autre ensuite.
Le voyage est lent ; il n'y a qu'une voie et au milieu du parcours il faut
attendre longtemps que le train d'en face arrive pour repartir.
Le pays est très accidenté. Les vues sur la mer sont splendides, puis nous quittons
la côte pour entrer dans une forêt incroyable, quasiment africaine.
Arrivés à Ferrol on se renseigne sur le train vers La Corogne : il part bientôt.
À tout hasard Henri demande s'il n'y pas de problème pour les vélos et là le gars
nous agresse comme si nous étions en train de vouloir entrer de force dans le
wagon avec les vélos.
Étonnement de notre part. Le gars s'énerve carrément. On lui dit de se calmer
et on s'en va.
Notre projet de dormir à La Corogne est à l'eau et nous voilà en chemin pour
trouver un hébergement à Ferrol.
On se sert du Routard qui nous envoie de pension en hôtel, todos completos.
Il pleut, les pavés glissent. On commence à être connus dans le centre ville et
plusieurs Espagnols se proposent de nous guider ; l'un d'eux nous demande de le
suivre : encore complet. Finalement, on tombe sur un bel hôtel où il ne reste
qu'une chambre, une suite. Henri refuse à cause du prix mais parce que le lit
est matrimonio. La jeune femme de la réception téléphone à plusieurs
établissements et nous trouve une chambre avec des camas.
C'est à l'autre bout de la ville, pas de problème.
Là on est très bien. Il y a un groupe d'Anglaises qui commencent le Camino Inglès.
On prend un excellent repas dans la rue Galiano, avec ce vin rouge additionné de
limonade auquel on commence à prendre goût.
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SAMEDI 13 SEPTEMBRE.
Déjeuner buffe dans cet hôtel. Non seulement on s'empiffre de tou ce qui
nous est offert pour charger la chaudière, mais on remplit nos sacs de pain, de
jambon, de pâtisseries et de fruits. Henri remplit même son bidon de jus d'orange.
On a bien fait de prévoir parce qu'aujourd'hui on va perdre beaucoup de sels minéraux.
J'ai que je n'ai plus de graisse. Les montées sont sérieuses et il fait chaud.
Beaucoup de voitures et de vélos.
Nous traversons une baie magnifique pour sortir de Ferrol ; beaucoup de pêcheurs
sur un grand pont. Puis une autre baie à Pontedeume et enfin un grand pont au
fond de la ria de Betanzos. On continue vers La Corogne et on casse la croûte à
la terrasse d'un bar. Le patron nous sert des tapas de jambon excellentes et
nous dit qu'il aimerait bien rouler comme nous vers Saint-Jacques mais que c'est
trop dur pour lui. On lui demande combien de kilomètres pour La Corogne et il
nous répond 30 kilomètres. On part et 500 mètres plus loin et il y a un panneau :
La Corogne 15 kilomètres. Notre aubergiste voit les choses deux fois plus
difficiles qu'elles ne sont.
À La Corogne on prend par le port puis par la ville où Henri achète un disque
à la Fnac et enfin par la playa.
On sort de la ville par la gare, la zone industrielle. C'est dur, il fait chaud.
Il faut rouler un bon moment pour trouver un hôtel dont nous sommes les seuls
clients, à Pastoriza.
Julio nous téléphone : il est à La Corogne après être parti d'Avila et on le
retrouvera demain.
Le repas se prend dans le seul établissement où toute la population regarde le
match Real Madrid contre Atletico. On fait la même chose en dégustant pulpo
gallego et chipirones.
DIMANCHE 14 SEPTEMBRE 2014.
Quand on tire rideaux le ciel est dégagé et comme j'ai souffert de brûlures hier,
je me badigeonne de crème. Le temps de déjeuner et il pleut.. C'est la première
fois que nous devons mettre toutes les protections.
Julio nous rejoint et nous partons tous les trois...
À Arteixo, nous passons devant l'usine du créateur de Zara et là nous
décidons de quitter l'axe routier pour aller au plus près de la côte, à Barrañian.
Belle plage et aujourd'hui itinéraire d'un pèlerinage jusqu'à la chapelle
Notre-Dame-des-Miracles, au dessus de Caïon et de la pointe des Olas. On est dans
flux des marcheurs, on profite du ravitaillement. À Caïon il y a un rassemblement
énorme de population avec musique, canonnade et promenade de la statue de la
Vierge en procession. On traverse la foule avec l'impression de courir une étape
de montagne de Tour de France ou de la Vuelta qui arrive et se termine
jourd'hui à Santiago.
À Caïon, nous en avons plein les pattes de raidillons incessants et brutaux sous
les averses. On décide de retrouver l'axe principal sur le plateau qui domine la
mer de loin. Il faut encore y remonter et c'est une belle suée sous la pluie.
On arrive à Carballo morts de faim et on casse une croûte faite de coca cola et
de pois chiches dans une sauce au porc (c'est dimanche, on mange ce qu'on trouve).
Un grand débat s'ouvre pour décider de la suite : s'arrêter là pour aujourd'hui,
tirer droit vers Fisterra en roulant encore un peu ou aller faire étape vers le
cap San Adriàn et la ville de Malpica de Bergantiños, à 18 kilomètres, sur la côte.
C'est cette dernière option qui l'emporte. Surprise, le trajet est facile avec
vent favorable.
Il est tard, on ne se repose pas beaucoup mais on prend une bonne cerveza côté
plage et d'excellentes raciones côté port (mejillones, chipirones, saint-jacques).
Ce premier jour de pluie n'a pas été si terrible. Les averses ont déposé sur le
sol tous les parfums de l'océan. La fenêtre au pied de mon lit ouvre sur le port
et la mer que je contemple en me reposant.
J'ai simplement eu aujourd'hui un problème de chambre à air qui se dégonfle ;
j'ai utilisé une bombe d'Henri, j'espère que çà va tenir.
Dominique Zumsteg nous laisse un message : elle arrive demain à Santiago.
LUNDI 15 SEPTEMBRE.
Pour aller reprendre nos vélos il faut faire un kilomètre à pied en laissant
nos sacs à l'auberge. Les vélos sont toujours là mais ma roue arrière est à
plat et je dois changer la chambre, je gonfle comme je peux à demi-pression et
nous partons en poussant dans une pente à 15 % pendant 2 kilomètres. Plus haut,
en sortant du village, il y a un spécialiste du pneu qui me met la pression
nécessaire avec l'adaptateur adéquat (on ne peut pas être malchanceux tout le temps).
La pluie s'est arrêtée mais le relief est toujours le même : tu montes raide et
tu redescends raide et tu recommences vingt fois dans la journée.
Quand on fait la pause pour un coca à Ponteceso on est encore frais. Il y a là
la préparation d'une fête et un groupe folklorique musical se donne en spectacle
dans un village indifférent. Nous sommes les seuls intéressés et je fais un film.
À Carbella on fait une erreur, on prend un repas complet avec macaronis, merluza
et helado, le tout arrosé d'une cerveza. La suite du parcours, encore plus rude,
va nous sanctionner, surtout moi et nous ne pourrons pas aller jusqu'à Muxia.
À Ponte do Porto, je ne peux pas prendre le risque d'espérer un hébergement sur
les 18 kilomètres qui restent et nous faisons un petit détour pour trouver une
pension que nous révèle le GPS de Julio.
On y croit, c'est ma dernière chance avant de dormir sous le ponte do Porto.
Et on tombe sur la Fé, dans un lieudit nommé Dor. Je dors immédiatement, ou
du moins j'essaie car le propriétaire choisit ce moment pour tondre la pelouse
qui orne l'espace entre ma fenêtre et la route. Sympa...
À vélo nous allons faire des courses à un kilomètre de là, dans un supermarché
et dégustons un excellent repas devant une pelouse devenue magnifique.
Lorsque nous sommes arrivés là, j'étais de très mauvaise humeur, mais le repas
a vite effacé ce mauvais moment. C'était une belle galère et j'étais à bout de force.
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MARDI 16 SEPTEMBRE 2014.
Aujourd'hui nous décidons d'y aller très doucement au départ et les choses se
passeront très bien. Le parcours est rude mais agréable. Le départ le long de la
ria est beau puis la forêt puis la plage en approchant de Muxia que l'on voit de
loin (le toit de l'église, frappé par la foudre le 31 décembre dernier, est en
réparation), puis la campagne avec de magnifiques horreos en pierre.
On mange une omelette à proximité de Touriñan. On approche de la côte touristique
et les auberges, restaurants, pensions sont devenus nombreux. On rejoint la
grande route à Cée et on descend vers Corcubion avec un fort vent de face.
Arrivés au bord de la mer ce vent, de plus en plus fort, va nous gêner mais
nous avons gardé des forces.
Après Sardiñero nous empruntons le chemin des piétons qui paraît praticable.
500 mètres plus loin il se transforme en bourbier et une rafale me couche au
milieu d'une flaque noirâtre nauséabonde. Incarcéré dans mon vélo je me débats
comme une anguille et j'en ressors crotté jusqu'aux sourcils. Heureusement,
depuis ce matin je roule avec les protections sur les sacs qui sont ainsi
préservés de la boue.
Un peu plus loin il y a une fontaine dans laquelle je me douche tout habillé.
Maintenant je suis trempé et mes godasses pèsent 2 kilos chacune.
Plus on approche de Fisterra, plus il y a du vent, çà tourne à la tempête.
On arrive à 15 heures ! C'est la première fois qu'une étape se termine si tôt.
Pour fêter l'événement, nous nous offrons des moules marinières avec une cerveza
sur le port.
À l'albergue municipal on examine et on s'abstient. L'horpitalera
accepte de tamponner nos créanciales mais elle refuse de nous délivrer le
diplôme récemment créé, la "fisterrana", au motif fallacieux que le passage
préalable par Santiago est obligatoire...
Nous choisissons l'auberge privée Arasolis, que je recommande chaudement ?
Pour 1 euro chacun nous donnons à laver une très grande quantité de linge sale !
Malheureusement il ne séchera pas à cause de la pluie.
Une fois douchés nous reprenons les vélos, sans les sacs, pour aller au phare :
4 kilomètres contrela tempête et les grosses averses. Nous arrivons trempés.
La pluie cesse et le vent nous sèche en deux minutes. Photos face au soleil
couchant, là où nos très lointains ancêtres, devant l'évidence qu'ils ne pouvaient
plus suivre et dominer l'astre du jour, l'ont déifié et ont élevé pour se le
concilier un grand autel que les Romains ont détruit en arrivant.
Le retour au gîte en descente avec le vent en poupe est un plaisir.
Nous choisissons un établissement sur le port qui nous sert le menu du pèlerin +
avec navajas et poisson grillé. Le moral d'Henri est atteint : son portable est
bloqué et il n'a pas le code Puk ; d'autre part les bouts de fer qui équipent
ses jambes le font souffrir.
J'apprends à Julio l'expression "du vent à décorner les bœufs" et il
m'apprend l'équivalent ibérique : "hace dia para llevar piedras en los bolsillos".
MERCREDI 17 SEPTEMBRE.
Un journée d'enfer. Le ciel est très menaçant mais nous n'aurons pas de
pluie. En revanche, le vent qui toujours souffle fort a la mauvaise idée de
passer au sud. Nous l'aurons donc dans le nez toute la journée alors que nous
avons le parcours le plus facile et le plus beau de tout le voyage.
Je vais en baver pour arriver épuisé à Muros.
Dès le départ, dans la grimpette nécessaire pour quitter Fisterra, je crève pour
la troisième fois. C'est mon pneu qui est en cause ; je l'avais pourtant changé
avant de partir, mais c'est une saleté.
On fait une grosse halte dans un bon établissement à Carnota : 0 Moroso. On prend
des croquettes avec salade mixte. Julio nous parle de son épouse qui est tout
pour lui et qu'il sera heureux, tout comme nous, de retrouver.
Il nous explique qu'elle est un élément indispensable de son bureau et qu'elle
s'occupe beaucoup et courageusement de sa mère. C'est une femme qu'on aimerait
connaître. En tout cas, elle a beaucoup de chance d'avoir Julio avec elle car
c'est un garçon très solide.
Du côté de Carnota il y a deux horreos au bord de la route qui comportent sur
leur faîte, en place des croix habituelles, deux aiguilles de pierre qui leur
donnent une allure très particulière.
J'ai dans l'idée qu'il s'agit là d'un dispositif de défense, en prévision
d'une attaque de parachutistes.
Un peu avant Muros, la route qui suit toujours la côte vire à gauche pour
pénétrer dans un vaste golfe, celui de Noia dominé par le mont Aro et j'évoque
la similitude qui existe avec le mont Ararat ou d'autres lieux en Bretagne et
en Cornouailles, qui ont donné lieu à l'hypothèse d'un débarquement d'hommes
venus d'une civilisation avancée.
En tournant à gauche nous prenons le vent dans le dos et atteignons une vitesse
inégalée depuis longtemps. On s'arrête à Murros parce que 58 kilomètres le nez
dans le vent ça commence à bien faire. Je suis au bout du bout et j'ai la tête
qui tome. La pension A Vianda (quel joli nom) fait l'affaire. Coincée entre un
« deux étoiles » et un « trois étoiles », son « étoile » unique nous donne toute
satisfaction.
Nous faisons tous les trois un tour dans la vieille ville, guidés par Henri qui
a fait une exploration préalable. Ses morceaux de fer le torturent moins qu'hier
et en même temps que son code Puk il a retrouvé son moral habituel.
L'église est très particulière : roman tardif, d'une largeur jamais vue. Le baroque
règne dans la décoration et je photographie des statues chevelues et sanguinolentes
granguignolesques. La ville est un port de pêche important et s'est développée
en largeur, le long du rivage. Derrière les maisons avec arcades qui bordent la
route et la promenade plantée de tamaris, il y a les autres maisons sur une
centaine de mètres au plus puis le maquis.
Toute la nuit il va pleuvoir avec du vent et dans mon lit j'ai l'impression
d'être en haute mer. Je suis très inquiet pour demain car j'ai du mal à digérer
la soupe de poissons et les poissons grillés du repas du soir.
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JEUDI 18 SEPTEMBRE 2014.
Le ciel est noir, il pleut et il vente mais aujourd'hui le vent nous gênera moins,
il nous aidera même quelquefois. En revanche, on va tout faire sous une pluie
très fraîche. La route suit la côte jusqu'à Noia. On profite peu du paysage
magnifique ; je ne m'arrête pas au moulin à marée aperçu il y a deux ans lors
de mon passage en bus. On a froid, on est trempés, on aurait aussi bien pu
partir en maillot de bain...
À partir de Noia on grimpe dans la montagne jusqu'à San Xusto. Au sommet, il
fait froid et on change ce qu'on peut. Plus bas, à Urdilde, on mange une
omelette avec fromage et jambon qui nous requinque un peu : il reste 18
kilomètres qu'on termine comme on peut, mouillés jusqu'à l'os.
Il est 16 heures quand on pénètre dans la vieille ville, pleine de touristes
et de pèlerins, et nous allons tout de suite à notre gîte habituel, chez Manolo,
qui se met en quatre pour laver et sécher notre linge.
Sur la côte, avant Noia, on avait laissé Julio, désireux de se changer. Il nous
rejoindra à Santiago mais toute la journée il a rencontré des gens qui nous ont
vu passer, comme deux fantômes grelottant dans le brouillard. Au bureau des
pèlerins on fait la queue sous la pluie pour obtenir la Compostela.
Le temps d'attente au bureau des pèlerins est très long car les Américains qui
aujourd'hui officient sont curieux de connaître les pèlerins et veulent les
accueillir correctement. On ne peut pas le leur reprocher, mais dehors tout
le monde est sous la pluie... On fait connaissance de deux Françaises et on
échange quelques impressions. Des Italiens examinent de près ma pèlerine
qu'ils trouvent très bien.
L'Américaine qui nous reçoit est intriguée par le fait que nous soyons passés par
Fisterra avant d'arriver à Santiago, elle est déstabilisée, cherche à comprendre
et finit par admettre que chacun passe par où il veut, mais ce n'est pas évident,
son sens de la normalisation est déstabilisé.
Elle met le tampon sur les créanciales et nous délivre les Compostela ; mais quand
il s'agit de mettre le tampon sur mon carnet : "Ah non ! C'est trop, le carnet
n'est pas un document officiel et le tampon ne saurait y figurer, sous peine de
faire cohabiter le sacré avec le n'importe quoi." Et de donner du crédit à un
prétendu pèlerin qui arrive à Santiago en passant par Fisterra...
Julio, qui prend l'avion demain pour Alicante, s'occupe de l'expédition de son vélo.
Après quoi nous fêtons la fin de notre pèlerinage au restaurant Paredès.
Henri nous invite tous les deux.
Comme toujours nous sommes partagés entre la joie d'être arrivés et la tristesse
de voir se terminer notre petite aventure. Mais aujourd'hui ce qui domine, outre
la fatigue, c'est la fierté d'avoir surmonté les difficultés de la journée la
plus difficile, c'était vraiment dur...
Avant d'aller nous coucher, nous allons écouter sous les arcades la Tuna de
Derecho. J'enregistre Clavelitos. C'est un grand moment.
VENDREDI 19 SEPTEMBRE.
Ce matin tôt on embrasse Julio qui nous quitte et on fait la grasse matinée.
Pas de vélo ce matin et c'est heureux car il va pleuvoir toute la journée sur Santiago.
Nous visitons le musée des Pèlerinages, au-dessus de San Martin, pour revoir le
formidable carnet du pèlerin japonais, puis le marché aux halles.
Nous découvrons le musée du Peuple galicien. Passionnant et à revoir car nous
sommes près de la fermeture.
Impossible de rentrer dans la cathédrale, elle est pleine comme un œuf à 18 heures
pour la messe. Le portail de la Gloire est fermé, toute la façade est sous les
tentures et échafaudages. Nous assistons à l'arrivée devant la cathédrale d'un
couple de jeunes Espagnols à vélo, ils ont manifestement passé une journée comme
la nôtre hier. Ils sont crottés, épuisés et heureux.
Malgré la pluie il y a toujours autant d'agrément à se promener dans les rues
et sous les arcades, à assister à l'arrivée et a départ des pèlerins, à leurs
retrouvailles éphémères et joyeuses. L'éclat et la franchise de leur regard
montrent qu'ils ont expérimentée ce que procurent les longues journées de
marche et le dépouillement : la liberté "suspensive", l'amour à l'état pur.
Je me rends compte que le vélo ne procure pas exactement le même résultat. Il faut
que je découvre pourquoi. Peut-être la conduite du vélo exige-t-elle une attention
que la marche, plus naturelle, ne nécessite pas, et ainsi sommes-nous empêchés
d'atteindre l'essentiel ?
Certains diront que la marche et le vélo, en ne faisant pas fonctionner les mêmes
parties du corps, ne sollicitent pas les mêmes glandes et ne dirigent donc pas
vers le cerveau les mêmes substances chimiques...
Voilà, le voyage est maintenant terminé et je suis heureux de toutes les découvertes.
Mon idée était non pas de suivre l'itinéraire des pèlerins vers Santiago mais
celui qui se perd dans la nuit des temps, celui que suivaient les Européens
désireux de savoir et de connaissance et en premier lieu de suivre la course
du soleil. J'ai vu de mes yeux et touché du doigt les mystères de mes origines
basques, des pétroglyphes galiciens et de la toponymie qui situent Noé et le
mont Ararat en Galice, bien avant l'écriture de la Bible...
SAMEDI 20 SEPTEMBRE 2014.
Nous quittons Santiago tôt ce matin, avec la voiture de location prise la veille
et que nous devons rendre ce soir à San Sebastian.
À partie d'Oviedo nous retrouvons les mêmes lieux qu'à l'aller, vus de l'autoroute,
et nous sommes à Saint-Jean-de-Luz en début d'après-midi. Nous dérangeons les
Villers en plein repas avec des amis, pour récupérer la voiture, puis nous
revenons à San Sebastian où nous trouvons facilement le lieu de restitution
grâce au GPS d'Henri.
Nous revenons à Saint-Jean pour quelques emplettes, notamment chez Adam pour
ses macarons.
Puis direction Arthez-de-Béarn où nous ferons étape chez Bertrand Broussé,
le célèbre et excellent boulanger traiteur. Le gîte a subi quelques agrandissements
et améliorations qui le rendent encore plus agréable. À notre arrivée, Henri est
pris en main par une excellente masseuse qui lui remet tout en place. L'histoire
montrera que j'aurais dû faire de même.
Surprise : il y a là Marie-Claude, l'infirmière rencontrée au printemps sur le
Chemin d'Arles, qui a marché avec Brigitte jusqu'à Puente la Reina. Elle est à
vélo avec son mari et rentre chez elle demain, non loin d'ici.
Le repas est très sympa avec un couple de Réunionnais qui marchent avec leur
fille, très vive, deux ados, une autre Réunionnaise et un hospitalier ami de
Bertrand. On rit beaucoup.
Bertrand nous rejoint après le repas, et on le revoit le lendemain matin à la
boulangerie, pour le petit déjeuner. Comme toujours il est entouré d'amis
joyeux et nous passons un moment très agréable.
Nous nous quittons sur la promesse d'un prochain revenir.
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