ASSOCIATION FRANÇAISE des PÈLERINS de SAINT JACQUES de COMPOSTELLE


Le coffre du Cid

Dans la cathédrale Sainte-Marie de Burgos sont enterrés Rodrigue, plus connu sous son surnom de Cid Campeador, et son épouse Chimène. En bonne place, figure également, un coffre bardé de fer. C'est la arca del Cid, le coffre du Cid.

dessin du coffre Le Cid n'était pas très vieux mais déjà couvert de gloire lorsqu'il fut exilé par son souverain le roi Alphonse VI.

Le Cid convoqua les membres de sa famille et ses vassaux et leur annonça son exil hors du royaume. Il demanda qui seraient ceux qui l'accompagneraient. Un certain Alvar Fanez prit la parole pour déclarer que tous iraient avec lui. Ils quittèrent leurs demeures et s'en vinrent à Burgos. Dans la ville, personne ne voulut les loger car le roi avait fait savoir que nul ne devait venir en aide à l'exilé. Le Cid quitta donc l'enceinte de Burgos et s'en vint camper sur la plage qui bordait la rivière Arlanzon.

Comme le Cid avait un grand besoin d'argent pour partir avec tous ceux qui voulaient l'accompagner, il décida de solliciter un prêt de deux argentiers juifs de la ville. Pour donner plus de poids à sa promesse de rembourser avant un an, il proposa de laisser en dépôt deux magnifiques coffres. Ils étaiens lourds et bien cadenassés. Il leur demanda de ne pas les ouvrir. Il se garda bien de préciser qu'il venait de les remplir de sable et de galets de la rivière mais ajouta «Yo mas non puedo e amidos lo fago.» (Plus je ne peux et le fais malgré moi).

Au moment de partir en exil, le Cid se tourna vers le cathédrale et déclara : « Je vais quitter la Castille, je ne sais si j'y reviendrai jamais. Si vous, Vierge glorieuse, me secourez dans mon exil, je ferai chanter ici dans votre temple mille messes ! » Plus tard, il rentra en grâce.

Dans son Voyage en Espagne, Théophile Gautier raconte :

...on nous pria de lever la tête et de regarder un objet des plus curieux. Cet objet était un grand coffre retenu au mur par des crampons de fer. Il est difficile d'imaginer une malle plus rapiécée, plus vermoulue et plus effondrée. C'est à coup sûr la doyenne des malles du monde ; une inscription en lettres noires ainsi conçue : Cofre del Cid, donna tout de suite, comme vous pouvez le croire, une énorme importance à ces quatre ais de bois pourri. Ce coffre, s'il faut en croire la chronique, est précisément celui que le fameux Ruy Diaz de Bivar, plus connu sous le nom de Cid Campéador, manquant d'argent, tout héros qu'il était, comme un simple littérateur, fit porter plein de sable et de cailloux, en nantissement, chez un honnête usurier juif qui prêtait sur gages, avec défense d'ouvrir la mystérieuse malle avant que lui, Cid Campéador, n'eût remboursé la somme empruntée ; ce qui prouve que les usuriers de ce temps-là étaient de plus facile composition que ceux de nos jours. L'on trouverait maintenant peu de juifs et même peu de chrétiens assez naïfs et débonnaires pour accepter un pareil gage.

M. Casimir Delavigne s'est servi de cette légende dans sa pièce de La Fille du Cid, mais il a substitué au coffre énorme une boîte imperceptible, qui ne peut rien contenir en effet que l'or de la parole du Cid ; et il n'est aucun juif, même un juif des temps héroïques, qui prêtât quelque chose sur une pareille bonbonnière. Le coffre historique est grand, large, lourd, profond, garni de toutes sortes de serrures et de cadenas : plein de sable, il devait falloir au moins six chevaux pour le remuer, et le digne israélite pouvait le supposer rempli de nippes, de joyaux ou d'argenterie, et se résigner plus facilement aux caprices du Cid, caprices prévus par le Code pénal, ainsi que beaucoup d'autres fantaisies héroïques. La mise en scène du théâtre de la Renaissance est donc inexacte, n'en déplaise à M. Anténor Joly.


retour sommaire clic retour aux légendes clic L'affaire du coffre dans Le Poème du Cid clic