Le "botafumeiro" est un énorme encensoir de
métal argenté d'un peu plus d'un mètre et demi de haut et de 60 kilogrammes.
Quand on l'alimente d'une bonne dose de braises de charbon de bois
et d'encens et qu'on le fait balancer au bout d'une grosse corde,
il diffuse un épais nuage de fumée odorante.
Il est couramment admis qu'il était destiné autrefois à
masquer la mauvaise odeur de sueur et de crasse que répandaient les pèlerins.
Il y a encore, dit-on, sur le toit de la cathédrale une grande vasque de pierre
couronnée par la "cruz dos farapos" en cuivre et de près
de deux mètres de haut, destinée à l'incinération des hardes
des pèlerins.
Depuis 1602, il est suspendu dans le transept par une puissante corde à
quatre poutrelles de fer.
Il est tiré vivement à deux mètres du sol, puis mis en mouvement
par une équipe de huit hommes, habillés de
tuniques rouges. Généralement, au maximum de son balancement, le botafumeiro
se trouve horizontal, tout en haut, à plus de vingt mètres du sol. En bas de page, figure un lien vers une
page "scientifique" sur le sujet.
Nous savons qu'au moins deux fois il se décrocha alors qu'on le
balançait. La première fois, ce fut en
présence de l'Infante Catherine de passage vers le port de La Corogne
où elle allait embarquer pour la Grande Bretagne et contracter mariage
avec le Prince de Galles Arthur (1501). Veuve au bout de cinq mois, la malheureuse
épousa en secondes noces Henri VIII dit Barbe Bleue ! Le botafumeiro
défonça la porte de Platerias et explosa sur la place sans blesser
personne.
La seconde fois, ce fut le 23 mai 1622. L'encensoir se décrocha et tomba
comme une masse aux pieds de l'équipe des tireurs.
Enfin, en juillet 1937, il y eu un incident de moindre importance puisque
l'encensoir, dans un de ses balancements, accrocha une des grilles proches et la
braise se répandit sur le sol.
Dans "La grenouille voyageuse" (1947) l'humoriste Julio Camba (1884-1962) en dit ceci :
Il fut un temps où les quatorze portes de la cathédrale Saint-Jacques ne se fermaient
ni le jour ni la nuit. Constamment des pèlerins arrivaient de toutes les parties
du monde qui n'étaient que trois à l'époque. Des Persans venaient la tête
tonsurée, des Grecques avec les mains tatouées de signes de Croix, des Anglais,
Irlandais, Français, Italiens, Slaves... Des muets de naissance souhaitaient que
l'Apôtre leur donne l'usage de la parole, d'autres, aveugles, voulaient voir et
enfin beaucoup aspiraient à encaisser un héritage car, au Moyen Âge, la condition
pour toucher un héritage était d'effectuer le pélerinage à Saint-Jacques. On avait
de nombreux Princes qui à la veille d'une quelconque bataille venaient implorer
une aide militaire de l'Apôtre contre leurs ennemis. À l'extérieur de la Cathédrale,
des hommes accroupis faisaient autour d'eux, des piles de monnaies de tous les pays.
C'étaient des changeurs, ancêtres de nos actuels banquiers. À l'intérieur, les pèlerins
regroupés par nations, priaient et chantaient. Ils chantaient dans leur latin respectif.
Ils s'accompagnaient avec leurs instruments préférés : cithares, crotales, flûtes,
biniou, harpes, psaltérions, trompettes, lyres. Tous les sons résonnaient et
l'Apôtre miraculeusement harmonisait tout ça.
Ensuite, les pèlerins allaient visiter les reliques, guidés par le lenguajero,
sorte d'interprète d'hôtel qui savait dire dans plusieurs langues "pierre, couronne, poignard, hache, chapeau..."
Certains pèlerins voyageaient à leurs frais, d'autres quémandaient la charité.
La grande majorité arrivait fourbue, sale, crasseuse et malade. Parfois des
épidémies très sérieuses se produisaient et l'Apôtre se démenait à faire des miracles.
À cette époque on inventa le botafumeiro, "roi des encensoirs", comme l'appelle
Victor Hugo. Le botafumeiro à l'origine, ne fut pas un objet liturgique mais tout
simplement un appareil de désinfection. On l'alimentait avec de l'encens parce que
le phénol n'existait pas encore.
Ces pèlerins qui arrivaient directement du fin fonds de l'Asie avaient une foi
profonde mais sentaient très mauvais et les gens de Saint-Jacques s'efforçaient
de les isoler dans un nuage d'encens. S'ils avaient pu, ils se seraient tartinés
les trous de nez avec un baume mentholé et qui sait, aujourd'hui l'odeur du menthol
nous remplirait d'émotions religieuses et nous évoquerait des chœurs d'anges et de séraphins...
Zoom sur la "Machine" du botafumeiro
Simulation du mouvement du Botafumeiro
Merci Geneviève Tulloue !
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Association Française des Pèlerins de Saint Jacques de Compostelle.