ASSOCIATION FRANÇAISE des PÈLERINS de SAINT JACQUES de COMPOSTELLE
Voyage au ponant, à Saint-Jacques de Galice et Finisterre à travers la France et l'Espagne.
de Domenico Laffi (traduction en cours...)
traduction de José Martinez Almoyna
MILAN (Milan et de Milan à Turin)
Nous entrâmes dans Milan par la Porta Romana et continuâmes tout droit jusqu'à la Porta Visentina.
Nous tournâmes sur la droite et trouvâmes une bonne auberge. Nous y laissâmes
nos baluchons après avoir obtenu une belle chambre pour y loger quelques jours.
Comme il était tard, nous ne sortîmes pas nous promener en ville. Mais le lendemain
matin, nous nous dirigeâmes vers le Palais Épiscopal pour faire timbrer nos
papiers et pouvoir ainsi célébrer la Sainte Messe
(note).
Une fois les coups de tampon obtenus, nous sortîmes du Palais qui, du fait de sa taille,
sa beauté et son ancienneté se distingue de tous les autres. Nous nous rendîmes à la
Cathédrale pour célébrer la messe dans la chapelle Saint-Charles, située sous le
chœur. Dans cette chapelle reposent les restes de saint Charles (Boromée)
dans une urne de cristal, ornée de décorations en or massif et de superbes figures
délicatement travaillées. Dans ladite urne est allongé le corps glorieux revêtu de
ses habits d'Archevêque, avec l'étole de confesseur, la mitre et la crosse. La visite
en vaut la peine, pour la beauté comme pour la dévotion. Dans cette chapelle seulement,
la messe se célèbre selon le rite romain. Dans cette cathédrale, se trouve un clou
qui fût utilisé pour clouer le Christ sur la Croix ainsi que diverses reliques que
je ne décris pas, pour rester bref. Son trésor est admirable tant par sa richesse que par
sa beauté.
Il est composé de linges pour les autels, de mitres, calices, chandeliers et autres objets appartenant à cette église.
Le tout d'une authentique richesse. La construction est également en tout admirable, coté beauté
comme coté architecture, toute en marbre.
Ce serait long de détailler minutieusement pour les décorations, l'argent, le bronze et les métaux de tous types.
À Saint-Ambroise (Ambrogio) se trouvent les corps de Saint Gervais (Gervasio) et de Saint Protais
(Protasio) et dans l'église du couvent des Pères
de Saint François se trouvent les corps de San Nabore et Felice. Celui de Saint Eustache se trouve dans l'église de
l'Ordre des (Frères)
Prêcheurs (ou dominicains ou jacobins) . Il mourut en l'an 1252.
Je laisserai de côté, pour abréger, de nombreux couvents et de superbes églises consacrées par tant de corps vénérables
et saintes reliques. On ne saurait trouver meilleurs reliquaires.
Le reste du temps nous le consacrâmes à localiser M. Antonio Lucino, déjà aux petits soins
avec nous au Collège des Nobles de Saint François-Xavier de Bologne. Il eut
l'élégance de nous faire visiter son Palais décoré de
bons tableaux divers des meilleurs peintres. Il nous traita avec plein de courtoisie et de bonheur. Il nous procura un carrosse avec son palefrenier
et majordome de sa Maison pour visiter toutes sortes de nobles choses de Milan. En premier, nous vîmes son beau et puissant château qui se trouve
à l'une des extrémités de cette grande ville. Et je dis grande parce
qu'en excluant Rome, c'est la plus grande et plus fortifiée ville d'Italie.
Elle est entourée de murs puissants, de bastions répartis régulièrement entre eux et d'un profond faussé rempli d'eau.
En faisant le tour, on arrive au superbe château qui comme il a été construit en
respectant toutes les règles des fortifications semble
être imprenable. En y pénétrant nous croisâmes une multitude de gardes,
ici et là, placés au niveau du premier pont.
Il comporte de nombreuses herses, portails à chicanes et ponts-levis. Quand nous parvînmes à la première cours on nous assigna un
caporal accompagné d'un soldat doté d'une masse d'arme cloutée. Il nous fit faire le tour de
cet espace assez vaste car c'est la place d'arme où
sont répartis les cantonnements des soldats et leurs équipements. Ils disposent d'une
pièce d'artillerie lourde qui se charge avec
cent quatre-vingt dix livres de mitraille et la moitié de poudre. Nous pénétrâmes ensuite
sous un grand arc fermé par des portails
et herses qui donne sur la grand place du château. En face de cet arc, appelé porton , pointent deux couleuvrines
comme je n'en ai jamais vu et si on ne les voit on y croit pas. On les charge avec deux cent livres de mitraille. Elles mesurent sept
brasses (11m ?) et une largeur à la bouche d'une demi brasse (0,80m ?)
et une épaisseur de neuf ... (?) .
Nous franchîmes ensuite un autre grand portail avec des herses aussi. À sa sortie nous parvînmes au fossé intérieur et dans
l'approche du donjon cerclé d'une rampe ascendante qui mena notre véhicule
jusqu'au niveau du toit en tournant autour de la muraille
où se trouve une infinité d'artillerie lourde et légère principalement
dans les tours qui portent des pièces de gros calibre.
Nous vîmes une pièce d'artillerie sans équivalent, avec une cassure d'un quart du bord de sa bouche. On y trouve la narration d'une
légende. Un soldat condamné à la décapitation, pria le Gouverneur de la ville de bien vouloir
avant d'être mené à la mort, le laisser tirer au canon.
Il promit de ne provoquer aucun mal. Le dit Seigneur accepta. Le soldat, sur la muraille, ajusta la pièce en visant pour faire
mouche, la tête d'une statue de bronze située en haut d'un clocher si lointain qu'on le distinguait à peine. Il tira et avec
le boulet détacha la tête du buste de la statue à la grande stupeur du Gouverneur qui
en récompense de son tir merveilleux leva sa sentence de mort car il ne voulu pas perdre un si talentueux
soldat (abîmer une statue ne serait pas provoquer un mal ??).
Coupant la bouche du canon, il y inscrivit, comme j'ai dit, la légende.
De cet emplacement, en circulant sur les terre-pleins, on voit très loin les environs et on domine toutes les fortifications externes et internes
tels les casernes de mousquetaires, la place d'armes, le magasin d'avitaillement et la sainte-barbe.
Cette forteresse est ceinturée à l'extérieur par six bastions. Dans chacun, il y a 12 pièces d'artillerie lourde et
dans les petits six pièces pour chacun et de nombreux mortiers de deux brasses de long (?), très longs et gros.
À l'extrémité des bastions il y a deux tourelles où se tient la garde. Nous vîmes donc des tourillons, parapets, fossés,
escarpes et contrescarpes, batardeaux, poternes, demi-lunes ou ravelin,
place-d'arme saillante, rentrante, courtines, rampes et j'en laisse pour abréger.
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Toutes ces choses vues, nous sortîmes de la citadelle et après avoir gratifié d'un pourboire le caporal nous allâmes visiter l'Hôpital
qui est superbe et si grand qu'il peut accueillir jusqu'à deux mille malades, hommes et femmes. De là nous nous rendîmes à
Saint-Celse (San Celso), belle église construite en marbre fin, porphyre, albâtre
et autres combinaisons (de matériaux).
Les chapiteaux et les bases sont entièrement en bronze. Ceux de l'extérieur comme ceux de l'intérieur. De là nous nous dirigeâmes
vers le Palais du Gouverneur qui est le Duc d'Ossona où on était en train de fabriquer 15 beaux carrosses et autant de voitures,
avec emblèmes patriotiques tracés en figures variées et avec une technique achevée. On faisait, en outre, plein d'autres superbes machines.
De là nous partîmes voir la magnifique Université ou mieux dit la galerie ou cabinet de M. Canonigo Settara où on trouve des choses très curieuses
sous forme de miroirs en acier. Par la seule réflexion, ils liquéfient n'importe quelle matière quelle qu'en soit la dureté.
Au moment où le feu se déclenche on voit plein de choses bizarres. Deux se produisent dans deux tours différentes, de deux brasses de haut.
En y déposant une balle de bronze ou autre métal, elle fond à l'extérieur en tombant le long d'un escalier en colimaçon. En parvenant en bas
elle entre par une porte de la même tour et de façon artificieuse, elle ressort de l'intérieur en haut par le trou d'une
fenêtre et redescend par l'escalier déjà mentionné (encore une histoire fumeuse
de notre Domenico Laffi ! Il y en a encore deux autres non traduites.) ...
En sortant de là nous allâmes à notre logement qui était tout près. Nous rendîmes notre véhicule à la personne que le matin
suivant nous allâmes remercier et saluer poliment. Celui-ci, une fois encore avec son amabilité innée voulu prendre la peine de
nous offrir des rafraîchissements et au moment du départ il nous fit donner discrètement quelques pièces d'or
par les soins d'un banquier de Madrid. Les papiers d'identité récupérés nous partîmes après avoir fait de nouveau nos adieux
émus par sa gentillesse inouïe. Nous sortîmes par la Porte Vercellina où nos baluchons furent fouillés. Comme on n'y trouva nul
objet de contrebande, on nous laissa aller.
Nous cheminâmes vers Rosavilla (?) à douze
milles de Milan et, de là, à Boffaloro distant de sept milles en suivant le chemin vers la ville de Novare
séparée de Boffaloro par
seize milles. Il s'agit de la dernière cité de la Province ou de l'État Milanais. On
passe ensuite dans la Province du Piémont. Cette ville est très bien fortifiée et
possède une vaste prison où on se montre rigoureux avec les gens louches car c'est une
ville frontière. À la porte, nous furent demandés une première fois par la sentinelle
nos noms et prénoms ainsi que notre lieu de provenance. Celle-ci nous laissa passer ensuite
à la porte où se trouvait le corps de garde et où un officier nous posa les mêmes questions.
Il donna ensuite l'ordre à un soldat de nous accompagner en ville. Celui-ci, prenant son fourbi militaire,
nous conduisit dans la place où se trouvait le corps de la Garde Royale. Parvenus devant le Major, celui-ci nous
reposa les susdites questions faites précédemment à la porte. Il nous laissa entrer et nous nous dirigeâmes vers une
auberge où nous rencontrâmes un français armé d'une épée qui se rendait à Turin. Nous fîmes amitié tout de suite.
Le lendemain matin nous reprîmes le chemin sous un peu de pluie.
Elle se fit plus intense et nous accompagna durant les quinze milles qui séparent Novare de Vercelli (Verceil).
Il fut nécessaire de franchir plusieurs rivières en barque ou en bac avant d'arriver à Vercelli, première ville de la
province du Piémont.
Pour cette cité du Duc de Savoie ... on était en train de construire de nouvelles murailles avec des bastions, demi-lunes, casemates
à l'extérieur de ces nouvelles murailles.
Nous fîmes halte, ici, dans une auberge, pour déguster le vin généreux de cette terre et ensuite, nous partîmes en direction
de San Germano à 12 milles de distance mais en passant la porte on fouilla de nouveau nos ballots après quoi
on nous laissa sortir.
Nous allâmes ainsi à San Germano (San Germano Vercellese)
où nous passâmes une assez mauvaise nuit, tant pour dormir que pour manger.
Dans ce bourg, nous ne trouvâmes personne dans les rares lieux possibles d'hébergement.
Nous parvînmes ici après avoir traversé une vaste campagne déserte
et être passés par un endroit appelé il bosco
avec un château tout ruiné par la guerre. Çà faisait peine à voir avec la
ruine des palais, des maisons, des églises. Par la suite, les arbres ayant poussé
sur ces ruines, c'est devenu un bois. Ici, près d'une porte toute ruinée, nous trouvâmes
un moulin vers lequel nous nous dirigeâmes mus par la faim. Nous n'y trouvâmes qu'un paysan
accompagnant le meunier. Ils étaient en train de manger. Ceux-ci, après moult prières, nous
donnèrent un peu de pain et de fromage dont la fabrication devait remonter
à l'époque de Romulus et Remus. D'ici, nous nous dirigeâmes vers Chivaso (Civas pour Laffi),
à dix milles de San Germano.
Cependant, avant d'y parvenir, nous déviâmes vers un endroit appelé Bodia Castello
(?) et entrâmes dans une bonne auberge pour manger de l'agneau accompagné
d'un bon moscatel à quatre sous le bocal qu'ici on appelle pinte, l'équivalent de trois sous bolognais.
Nous arrivâmes dans l'après-midi à Chivaso où nous
logeâmes et fûmes très convenablement traités tant en ce qui
concerne le manger que le coucher. L'endroit est très bien fortifié
avec des forteresses extérieures. Il y a ici une excellente source que
nous voulûmes goûter. Le petit-déjeuner pris, nous nous dirigeâmes vers Turin
délaissant le chemin inondé par les fortes pluies tombées sur ces terres. Tout était
noyé et on ne pouvait distinguer les champs du chemin. Nous traversâmes le Pô en face de Chivaso
dans un bac où nous courûmes un grand danger car le niveau des eaux était haut à cause des pluies abondantes.
Nous fûmes deux ou trois fois bousculés et pour un peu notre barque chavirait mais, avec l'aide
de Dieu et de l'Apôtre saint Jacques de Galice, nous réussîmes à passer et parvîmes
à Turin en suivant toujours la rive du Pô
à travers des bois et sur quinze milles jusqu'à notre entrée dans Turin.
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