ASSOCIATION FRANÇAISE des PÈLERINS de SAINT JACQUES de COMPOSTELLE

Voyage au ponant, à Saint-Jacques de Galice et Finisterre à travers la France et l'Espagne.

de Domenico Laffi

traduction de José Martinez-Almoyna

De PAMPELUNE à BURGOS

Pour entrer par la porte septentrionale, en arrivant à Pampelune, on monte sur une distance d'un jet de pierre et on arrive à la porte très fortifiée par des bastions de gros blocs de pierre. En face, il y a un grand fossé sur lequel on passe par un grand pont de bois pour entrer par la dite porte qui est fortement gardée. On nous interrogea de quel pays nous étions, où nous allions et ils voulurent voir le passeport officiel que nous montrâmes. Ils nous conduisirent au (bureau de l'administration du) Vice-roi où on nous posa les mêmes questions. En effet, quand les voyageurs ne répondent pas sincèrement ou n'ont pas de passeport, la règle est de les mettre en prison ou de les envoyer aux galères. Nous, nous montrâmes les passeports au garde et au fonctionnaire du Vice-roi qui nous interrogea sur une multitude de choses concernant l'Italie et en particulier sur Milan. Nous lui dîmes tant bien que mal ce que nous savions. Ensuite, il nous donna licence de passer et de voir les endroits les plus remarquables de la ville mais, comme il était tard, nous rejoignîmes assez vite notre logement. Le lendemain matin, nous allâmes voir le Vicaire pour faire timbrer nos crédenciales pour pouvoir célébrer la messe et nous nous dirigeâmes ensuite vers la cathédrale qui se trouve juste à côté à une des extrémités de la ville vers le levant, dans un endroit un peu plus haut. Cette église est grande et dispose de bons services. Ils étaient en train de chanter la messe accompagnés par deux chœurs en même temps, un de musiciens d'un côté et de l'autre de divers instruments, c'est-à-dire des harpes, des cithares, des épinettes et de nombreuses cornemuses en même temps que l'orgue qui est différent de ceux que nous avons en Italie. Ils obtiennent une telle harmonie qu'on peut entendre de loin. Le Saint-Sacrement était exposé et il y avait grande affluence. On peut en déduire que les Espagnols ont une grande dévotion pour ce sacrement. Je célébrai (la messe) et en aumône, on me donna deux pièces (note) .

Pendant la grand messe, on donne à manger à douze pèlerins sous la porte même de l'église à une table dressée à cet effet. Ils font passer tous les pèlerins par la porte de la cuisine et le cuisinier distribue à chacun une louchée de bouillon et non de soupe car, dans ce pays, on n'en prend pas. Quand tous ont leur ration, on les fait mettre en rang et ils vont tous en procession à l'église avec le bol de bouillon. Arrivé à la table, chacun s'installe à sa place et l'un d'eux approche avec un panier de pains et en donne un à chaque pèlerin ; ensuite un autre avance avec une marmite de viande et distribue un morceau à chacun. Derrière celui-ci, un autre apporte une tranche de viande de porc pour chacun et finalement un autre vient avec le vin et donne une mesure à chacun. Ainsi se termine cette cérémonie. L'après-midi aussi a lieu une bénédiction avec le Saint-Sacrement en musique comme le matin quand on l'expose. En sortant, nous nous rendîmes à une taverne, très contents avec nos deux pièces. C'est une ville vraiment fortifiée et décorée de beaux palais et de bâtiments superbes, avec de belles places et de vastes et beaux couvents de toutes sortes d'ordres religieux, de frères et de moines. Durant quatre heures, nous la parcourûmes, jetant aussi un œil sur les intérieurs anciens. Nous arrivâmes à la partie qui se situe entre le nord et l'est. Là, un morceau de la muraille était détruit. On en avait bâti une autre à une certaine distance en avant. Nous demandâmes pourquoi on ne l'avait pas reconstruite au même endroit et on nous répondit qu'on avait fait ainsi en mémoire d'un miracle de saint Jacques de Galice qui s'était produit au temps de Charlemagne, et on nous conta la chose ainsi :

Charlemagne, après avoir conquis la Terre Sainte en compagnie de Constantin Ier et s'être emparé de nombreux autres royaumes, avait décidé de prendre du repos et de ne plus guerroyer. La nuit suivant cette résolution, il vit dans le ciel un chemin d'étoiles qui commençait du côté de la Frise ; il allait vers l'Allemagne et l'Italie, entre la France et l'Aquitaine ; il passait juste sur la Gascogne, le Pays basque et la Navarre, puis par l'Espagne jusqu'en Galice où était caché jusqu'alors le corps de saint Jacques, l'Apôtre. La nuit suivante, il eut la même vision sans en comprendre la signification. Quand arriva l'heure de la nuit où habituellement il avait ce rêve, un homme de bel aspect lui apparut dans une ambiance surnaturelle. Il lui dit : Que fais-tu, Charles, mon fils ? - Qui es-tu, Seigneur ? répondit Charles. Je suis, dit l'Apôtre, Jacques de Galice, disciple du Christ, fils de Zébédée, frère de Jean, celui que le Seigneur, dans son ineffable bonté, au bord de la mer de Galilée daigna choisir pour qu'il prêche l'Évangile aux gens d'ici. Je suis celui à qui Hérode fit couper la tête, dont le corps est caché en terre de Galice, car ce royaume est ignoblement opprimé par les Sarrasins. Je m'étonne que tu n'aies pas encore délivré ma terre, toi qui a incorporé tant de royaumes, de villes et de terres à ton empire ; aussi, je te dis que comme le Seigneur t'a fait plus puissant que les autres rois de la terre, Il t'a choisi entre tous pour fonder mon pèlerinage et délivrer ma terre des mains des Moabites. Entre-temps, Il te prépare une couronne de gloire...

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Après avoir tourné dans la ville et visité tout ce qui pouvait être vu, nous allâmes au refuge et reprîmes nos baluchons. Nous quittâmes Pampelune à la neuvième heure. Nous cheminâmes à travers diverses montagnes, pas très hautes et même plutôt petites et, à proximité de ces montagnes, nous traversâmes un grand bois pour enfin arriver à Puente la Reina, à une distance de cinq bonnes lieues (22km, Ponte della Ruvina pour Laffi) où nous passâmes l'après-midi. C'est un bel endroit, situé au bord d'une rivière, dominé par de très hautes montagnes. Nous nous promenâmes un peu sur place et vîmes deux magnifiques édifices et l'église. Nous revînmes en arrière à la recherche d'une auberge pour nous loger mais ce ne fut pas possible car elle était pleine de monde. Comme il n'y en avait pas d'autre là, il fut nécessaire de trouver une autre solution. Nous cherchâmes en vain un hébergement dans plein d'endroits, quand Dieu, qui n'abandonne personne, nous fit réfléchir qu'à l'entrée du pays, à un tir de fusil, il y avait une chapelle ouverte, en plein chemin, où nous nous disposâmes à aller dormir à l'abri. Quand nous arrivâmes, nous vîmes un paysan à sa fenêtre et nous le priâmes de nous loger en lui promettant ce qu'il demanderait. Cet homme, motivé par l'intérêt ou la compréhension, descendit et nous ouvrit la porte. Il nous reçut fort bien en me voyant habillé en prêtre car les Espagnols respectent vraiment et grandement l'Église et les prêtres. Il nous fit entrer et il voulait nous donner du pain mais nous n'en voulûmes pas car il était très pauvre et nous en avions déjà acheté. Par contre, il nous donna à boire un bon vin et ensuite nous allâmes au lit qui était constitué de quatre ceps de treille plantés en terre avec un plateau au-dessus. De la sorte, nous nous accomodâmes le mieux que nous pûmes et dormîmes ainsi cette nuit là. Le matin, un peu moulus, nous nous levâmes et nous rendîmes à la cathédrale pour voir si nous pouvions dire la messe mais nous ne trouvâmes personne. Ayant demandé pardon devant le Saint Sacrement, nous sortîmes sur la place et achetâmes du fromage et une boule de pain. Le pont franchi, nous poursuivîmes notre pérégrination vers Estella à quatre lieues de distance (22km, Lustella pour Laffi). C'est un très bel endroit situé sur les deux berges d'une grande rivière qui passe sous un grand pont pas très long mais assez haut. Elle possède quelques beaux édifices, quelques couvents et en particulier celui de la Rédemption, où on prodigue la charité envers les pèlerins qui se dirigent vers Saint-Jacques de Galice. De là, nous partîmes pour Urbiola, à deux lieues (9km) qui est un petit endroit mais où tout abonde. En dehors du bourg, il y a un énorme et superbe monastère bénédictin qui est très riche et constitue presqu'une ville car il a une haute enceinte très vaste (Santa Maria de Irache à 2,5km d'Estella). Nous pénétrâmes dans ce couvent et parvînmes à un très beau cloître, surmonté de statues. Je crois n'avoir rien vu d'équivalent de ma vie.

Il y a ici un Centre d'Études ouvert et quantité d'étudiants. Un moine qui était en train de se promener avec certains d'entre eux, en nous voyant, nous appela . Il nous demanda de quel pays nous étions et où nous allions. Nous lui décrivîmes de nombreuses choses concernant Italie et en particulier les études à Bologne, le mieux que nous pûmes. Finalement, après d'autres questions, il appela le cellérier et on nous conduisit au réfectoire. Il nous accompagna tout du long et nous fit apporter à manger. Nous y fûmes agréablement à évoquer des choses d'Italie avec les étudiants qui faisaient cercle en nombre pour écouter les propos échangés entre le moine et nous. Le repas terminé, nous remerciâmes le religieux et partîmes continuer le voyage. Nous traversâmes un champ de fèves fraîches et en récoltâmes quelques-unes. Nous fîmes halte à une fontaine et nous nous y rafraîchîmes car il faisait très chaud. Nous nous reposâmes un peu, puis continuâmes vers Los Arcos, à deux lieues (16 km, Arco del Ré pour Laffi) et qui est l'ultime bourg du Royaume de Navarre. Nous eûmes une pluie et un vent terrible, à ne pouvoir avancer. Parvenus, avec l'aide de Dieu, à Los Arcos, nous nous abritâmes un peu de la pluie, nous nous séchâmes avec des chiffons, nous dînâmes et allâmes au lit. Le lendemain matin, nous allâmes dire la messe à la Cathédrale et là, on nous donna le fruit de la quête de l'un des chanoines.

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...

et nous poursuivîmes notre voyage pour parvenir à Santo Domingo de la Calzada, à quatre bonnes lieues.

C'est une belle ville, certes petite, mais avec une place pleine de noblesse et de magnifiques couvents de religieuses et de moines. En parvenant au centre, nous pénétrâmes d'abord dans la cathédrale par un portail latéral. À l'intérieur, nous vîmes tout de suite le coq et la poule qui sont enfermés dans une cage en fer, à main gauche après cette porte. Dès notre entrée dans l'église, ils commencèrent à glousser et chanter de joie en nous voyant habillés en pèlerins. C'est ce qu'ils font pour tous les pèlerins. Nous demandâmes au sacristain quelques plumes qu'il nous donna pour que nous les ramenions dans notre patrie avec dévotion. Ces animaux ne mangent que ce que leur donnent les pèlerins qui se dirigent vers la Galice. Il fallait que ce soit du pain obtenu par amour pour Dieu et non pas acheté. Ce dernier, ils n'en voulaient pas. Sans le passage des pèlerins, ils seraient vite morts de faim. Il y a une dame qui les soigne. Elle circule en ville, demandant l'aumône habillée en pèlerine. C'est ainsi qu'elle les alimente. Nous leur donnâmes du pain qu'ils acceptèrent et mangèrent. Plein de gens s'assemblèrent pour voir comment ils picoraient ce pain et chantaient et comment ils manifestaient leur joie de voir venir des pèlerins. En effet, quand un pèlerin arrive, tous, aussi bien les étrangers que ceux ceux d'ici accourent directement à l'église attirés par la curiosité. Pareillement, la charité est importante dans tous les couvents et à travers toute la cité. Nous nous rendîmes au maître-autel pour implorer notre pardon, puis visitâmes la cathédrale qui est très belle, majestueuse et très ancienne. Nous nous promenâmes ensuite dans la ville et, sur la place, nous retrouvâmes la femme aux deux ânes que nous avions tirés du bourbier. Elle nous couvrit de nombreuses flatteries et nous fit présent d'un pain mollet que nous acceptâmes volontiers et l'en remerciâmes. Nous sortîmes de là par la porte occidentale où se trouve un bel et grand monastère de saint François occupé par des religieux récollets. Ils possèdent une belle église de bonne construction. Alors que nous en contemplions les tableaux, se présenta le sacristain qui nous dit vouloir fermer l'édifice car c'était l'heure du déjeuner. Nous lui répondîmes que nous étions à ses ordres et qu'il pourrait fermer quand il voudrait. Alors que nous sortions de l'église, il nous demanda notre pays de provenance et où nous allions. Mis au courant, il nous demanda de patienter le temps d'informer les moines. S'il avait su que j'étais prêtre, il m'aurait conduit au réfectoire car ainsi le voulait la règle et on le faisait pour tous les membres du clergé en pèlerinage de passage. Nous attendîmes un peu la décision des moines et se présenta le Révérend Père qui nous conduisit au réfectoire où deux novices nous servirent à manger selon les ordres du Supérieur. Après avoir déjeuné, nous remerciâmes et ils nous donnèrent en plus du pain et du poisson en quantité. On était samedi, ils nous accompagnèrent jusqu'au portail avec de grandes marques d'affection et de courtoisie. Ils firent cadeau d'un pied de cochon salé à mon compagnon qui ne me le montra qu'une fois dehors. Il se révéla délicieux.

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À faible distance de là, nous trouvâmes une vieille petite chapelle où nous nous arrêtâmes. En furetant, nous vîmes sur le côté de l'autel un ex-voto relatant le miracle des trois pèlerins qui cheminaient vers Saint-Jacques de Galice. Ce fut lors de l'affaire du coq et de la poule. Maintenant la petite chapelle se trouve là où fut pendu injustement un des trois pèlerins. Les faits se déroulèrent en 1090 ainsi   :

Un homme, sa femme et leur fils, grecs de la ville de Thessalonique en voyage vers Saint-Jacques de Galice, parvinrent ici, à Santo Domingo de la Calzada, à 240 milles (selon nous : 560km) de Saint-Jacques de Galice. Ils s'arrêtèrent ici et firent étape dans l'auberge qu'ils trouvèrent. Ils séjournèrent deux jours. La fille de l'aubergiste tomba follement amoureuse du jeune pèlerin. La nuit lui donna l'opportunité de se rendre dans sa chambre et de lui avouer son désir débridé. C'était chose honteuse pour l'adolescent. Comme la jeune fille se déshabillait sans vergogne, il s'indigna de sa lascivité et la réprimanda sévèrement. S'il n'avait rien dit, elle n'aurait ressenti que du dédain. Déçue par le jeune homme, son amour se transforma en haine. Enflammée de rage, prise d'une fureur infernale, elle élabore une vengeance. Elle s'empare d'une tasse d'argent et en silence revient dans la chambre du jeune homme qui s'était endormi de nouveau. Elle prend le sac qu'elle avait repéré auparavant, l'ouvre délicatement et cache la tasse d'argent au fond. Avec la même discrétion qu'à son entrée, elle s'en va et retourne dans sa chambre pour le reste de la nuit. Enfin vengée d'avoir été repoussée, son cœur exulte de joie et ses yeux trouvent le repos dans le sommeil. Le jour arrive, les pèlerins se lèvent et règlent l'aubergiste. Ils quittent l'auberge avec leur sac et sortent ensuite de la ville. La fille de l'aubergiste qui attendait impatiemment le moment de sa vengeance fait semblant de chercher la tasse cachée dès le départ des pèlerins. Elle sait qu'elle ne peut la retrouver que dans le sac du pauvre jeune-homme ; aussi commence-t-elle à gémir pour se plaindre, elle accuse les trois pèlerins qui viennent de partir. Le père, accordant crédit aux paroles de sa fille, prend avec lui quelques auxiliaires de justice et se lance sur les traces des malheureux qui ne songeaient qu'à atteindre le but de leur voyage. Ils furent rattrapés et arrêtés.

On ouvrit, devant les officiers de justice, le sac de chacun et en les fouillant, on trouva la tasse dans celui du jeune fils. Le vol découvert, on laissa les vieux parents et on conduisit le fils en ville où il fût promptement condamné à mort, puis pendu comme voleur. Les pauvres parents, éplorés et privés de leur fils unique, cheminèrent jusqu'à Saint-Jacques de Galice. Parvenus devant l'autel du saint Apôtre, ils confièrent premièrement à Dieu, puis au Saint Apôtre leur âme et celle de leur fils qu'ils pleurèrent amèrement car c'était l'unique, le seul et il était leur espérance, leur futur, leur soutien dans la vieillesse. L'acte de dévotion accompli, ils entreprirent leur voyage de retour dans leur patrie. Ils étaient satisfaits d'avoir réalisé leur saint désir mais tristes et blessés d'avoir perdu leur fils unique. Ils parvinrent à la ville d'Astorga où le chemin bifurque. Une branche se dirige droit sur Santo Domingo de la Calzada et l'autre, sur la droite, vers Valladolid. Le pauvre père ne voulait pas revivre le spectacle du fils et, pour ne pas raviver la douleur dans son cœur, souhaitait rentrer par Valladolid. Cependant, à la demande de sa femme, ils reprirent le même chemin et parvinrent à l'endroit où le fils était pendu. Ils le trouvèrent en vie. Voyant ses parents, il les appela en disant : Père, très cher, mère bien aimée, finies les larmes ! Par la grâce de Dieu, celle de la Bienheureuse Vierge Marie, celle de saint Jacques, je suis vivant ! Ils me soutiennent en l'air ! Va, oh mère, voir le juge et dis-lui que je suis innocent et, de ce fait, en vie et demande-lui de me libérer et de me rendre à toi ! La mère obéit et laissa sur place le mari. Elle se présenta chez le juge au moment où il se mettait à table. Elle exige son fils, retrouvé vivant de par son innocence. Le juge se mit à rire et se tournant vers la femme lui dit : "Ton fils n'est pas plus vivant en ce moment que ces poulets que tu vois là sur ce plat !" Surprise ! Oh Grand Dieu ! Le juge avait à peine prononcé ces derniers mots que les deux volatiles qui étaient un coq et une poule, sautèrent du plat et se mirent à chanter ! Le juge, voyant ce miracle, se leva de table abasourdi, stupéfait. Il quitte son palais suivi de la femme, appelle à sa suite plein de membres du clergé et de citoyens. Tous se dirigent vers l'endroit où le jeune homme a été pendu . Ils le trouvent euphorique et en bonne santé. Ils le rendent à ses parents qui, baignant de bonheur et d'allégresse, retournèrent en Grèce, leur patrie.

Le juge, de retour à la maison, prit le coq et la poule et, avec la foule, les amena solennellement à l'église. Ils y furent installés dans une cage en fer comme j'ai dit plus haut et je l'ai vu. Ce sont des choses miraculeuses qui attestent de la puissance de Dieu.

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Ces animaux vivent sept ans. Avant de mourir, la poule pond deux œufs dont naissent deux poussins, un mâle et une femelle, de la même couleur que leur père et mère et de la même taille. Tout cela se passe dans l'église, tous les sept ans et, comme il s'agit d'un miracle extraordinaire, toute la ville, de nombreuses personnes de l'extérieur et d'innombrables pèlerins de passage, emportent des plumes du coq et de la poule. Jamais les plumes ne manquent, j'en témoigne, car je l'ai vu et j'ai emporté quelques plumes. Ce sont des bêtes blanches comme la neige, très belles. Ce qu'on ne peut dire, c'est leur couleur avant de mourir une première fois, avant de s'envoler de la table du juge. On ne le sait pas. Quant à l'aubergiste et sa fille, ils furent punis pour leur mauvaise action et, sur le lieu de pendaison du jeune homme, fût construite la petite chapelle en l'honneur de saint Jacques déjà citée.

Ces choses peuvent se lire chez plusieurs auteurs mais, de façon plus précise, dans Teatro della Vita Humana, déjà cité. La ville se nomme Santo Domingo de la Calzada qui correspond en italien à San Domenico della Salegata car y est enterré un bienheureux Domenico, de nationalité italienne qui arriva dans la région en 1050 avec Gregorio, évêque d'Ostie, homme à la vie sainte, envoyé par le Pape en Espagne, à la demande des Navarrais pour qu'avec quelque remède spirituel il les délivra d'une grande punition et calamité dont souffrait ce royaume de Navarre. En effet il était dévasté par plein de sauterelles qui mangeaient et détruisaient tout ce que produisait la terre. Les Navarrais n'avaient pas d'autre solution : solliciter une aide quelconque ou un remède du Pape. Le Pape leur envoya ce saint évêque qui par son comportement, ses prédications, ses prières, ses bonnes œuvres, aumônes et pénitences amena bien des gens à une vie meilleure. Le règne du péché cessant, cessa la punition. Ce Domenico resta toujours auprès de ce saint évêque et ce jusqu'à sa mort. Ensuite, il choisit cet endroit pour faire pénitence car la population y était très dense et il y avait matière. Dans cette zone, il y avait une grande forêt fréquentée par de nombreux brigands et assassins qui volaient les pèlerins qui allaient vers Saint-Jacques de Galice. En tenant compte de cette mauvaise situation, il édifia là pour y habiter un petit abri et une petite chapelle dédiée à la Vierge bénie. Il commença à détruire toute cette forêt, coupant et brûlant les arbres et le sous-bois où se cachaient les bandits. Il traça une belle chaussée, bien empierrée. Un ouvrage long et splendide dont plus tard le saint prit le nom. On l'attribua plus tard également à la ville qui se dressa ici et où se trouve l'église-cathédrale du même nom. Ce saint Dominique y est enterré. En plus des choses sus-dites, il construisit un très bel hôpital pour héberger les pèlerins de passage vers Saint-Jacques de Galice. À ce propos, un autre saint Dominique vint le visiter. Il s'appelait Santo Domingo de Silos. Les deux saints se reçurent l'un l'autre avec maintes preuves de tendresse et de charité. Santo Domingo de Silos fit louange du beau chemin et des autres travaux que l'autre réalisait. Ce fut un homme pratiquant grandement la pénitence et l'austérité durant de nombreuses années puis il reposa dans le Seigneur. On fit son tombeau là où j'ai dit avant et où ensuite on construisit un temple somptueux que j'ai décrit abondamment quand je suis allé voir le coq et la poule. Plus tard on construisit la ville qui prit son nom et l'a encore : Santo Domingo de la Calzada. Le saint mourut le 12 mai 1060.

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(Ici un chapitre sur saint Dominique de Silos ...)

Nous jetâmes ensuite un œil sur la ville qui est très belle bien que petite mais où abonde tout ce qui concerne l'alimentation humaine.

En laissant la petite chapelle où, comme je l'ai dit, avait été pendu le pèlerin, nous continuâmes vers Grañon à deux lieues notre voyage. C'est un petit bourg très pauvre. Nous y passâmes la nuit et le lendemain, en prenant notre temps, nous nous dirigeâmes vers Redecilla (del Camino), un endroit de rien où nous demandâmes à célébrer la messe. Nous ne pûmes pas car nous n'avions pas fait timbrer notre crédential à Santo Domingo de la Calzada aussi nous continuâmes jusqu'à Castildelgado (Castel Guado pour Laffi) où nous pûmes célébrer avec l'aide de Dieu. C'est un petit village que cet endroit, mais joli et prospère. Après la messe, nous prîmes notre petit déjeuner et partîmes pour Belorado, distant de trois lieues en traversant comme indiqué ces deux petites bourgades. De Belorado, nous continuâmes vers Villafranca (Villafranca-Montes de Oca) à trois lieues. C'est un endroit étendu et riche situé au pied d'une colline avec les maisons dans la plaine ou en hauteur. On y pratique une grande charité envers les pèlerins, notamment à l'hôpital où on donne à manger très bien. Nous nous arrêtâmes pour manger et ensuite, à la sortie de la zone montagneuse, nous nous reposâmes et rencontrâmes une grande plaine s'étendant sur quatre lieues et couverte de prairies et sans habitations. À ce moment, nous tombâmes sur des champignons grandissimes comme nous nous n'en avions jamais vus. Ils étaient énormes, tels des chapeaux de paille. Nous commençâmes à les cueillir un à un. Au terme du parcours dans ces prairies, nous trouvâmes le monastère où vivent les Pères de Saint Jean (San Juan de Ortega), avec le corps de ce saint Jean qui repose dans un sarcophage de marbre, dans ce monastère. Ces pères sont très riches et agissent avec une grande charité envers les pèlerins. Après avoir fait pénitence devant l'autel du saint, nous partîmes et cheminâmes vers un bourg voisin appelé Villanova (?) où nous passâmes la nuit. Nous préparâmes les champignons et dînâmes allègrement car il y avait en plus du bon pain et du bon vin. Le lendemain nous continuâmes vers Burgos distant de cinq lieues. Pendant tout ce trajet, on ne rencontre qu'un village très petit.


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