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Bénédiction de départ de Nicola Albani à Capoue. Passer la souris pour agrandir |
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Récit du pèlerinage de Nicola Albani (derniers chapitres).![]() En Galice... ainsi je pus trouver un hébergement sur un peu de paille chez un de ces paysans. Ensuite, le 20 (novembre) au matin, je continuai mon voyage et, vers les 4 heures de l'après-midi, j'arrivai à un endroit appelé La Faba, dernier hameau du royaume de Leon, situé dans une sombre vallée et à propos duquel il n'y a rien de plus à dire si ce n'est qu'il s'agit d'un village frontière entre un royaume et l'autre et qu'il est en paille comme les autres. Je soufflai un peu et poursuivis mon chemin en grimpant ainsi au fil de la journée 4 milles dans une montagne si affreuse que même des bêtes s'y seraient épuisées.À la nuit tombante, j'arrivai à un endroit appelé Cebreiro, à douze milles de La Vega et premier endroit fortifié du royaume de Galice. On le dit fortifié parce qu'il y a un petit couvent de Saint Dominique avec un seul moine pour dire la messe et deux laïcs. C'est une sorte de petite chapelle avec quatre pièces mais pas toutes de pierre.Dans le village, il y a trente-quatre foyers et il est situé en haut d'une très haute montagne. On m'a dit qu'en hiver, la plupart du temps, on est sous la neige. Chaque chaumière dispose à l'extérieur d'une grosse provision de bois. C'est l'un des gros villages de Galice me dit-on car, plus loin, ils sont bien plus misérables. Il y avait aussi ici un hospice ou mieux dit une chaumière tenue par une petite vieille comme hospitalière. Comme unique confort, quatre sacs remplis de paille et j'y vins. Et il m'y arriva une jolie aventure car je dus durant la nuit y jouer le rôle du curé. Dans le dit-hospice, je trouvai un pauvre castillan de passage qui était malade depuis trois jours. Il revenait de Saint-Jacques et comme il se trouvait mal, avec une grosse fièvre et pouvant à peine respirer j'allai au couvent demander qu'on lui administre les derniers sacrements. On me dit que le père était absent et qu'il disait la messe dans un autre village aussi je fus obligé de me saisir de mon crucifix et du mieux que je pus je priai pour son âme. Au bout de deux heures, il passa à l'autre vie ayant bien demandé pardon de ses fautes, à 4 heures juste. Ensuite, la bonne petite vieille ayant préparé une soupe de navets dont nous dînames comme mère et fils. J'allai me reposer sur un des sacs de paille avec le cadavre comme voisin. Aussi je ne pus qu'à peine me défatiguer pendant toute cette nuit. Ensuite et pour finir, au lever du jour, je saluai la brave femme et me mis en route. C'était le matin du 21.Je me perdis dans la montagne ne sachant plus dans quelle direction avancer car c'était un massif abominable avec de gros dénivelés et des bois très épais où il y a toujours de la brume, un brouillard si épais qu'on ne voit le chemin qu'à dix ou douze pas. En outre, il n'y a pas de voies principales et quand on est dans la montagne ou dans les bois, on ne trouve que deux ou trois sentes très étroites. Le marcheur ne sait laquelle il doit prendre et le plus grave est qu'on ne rencontre personne à qui demander son chemin ; ni berger, paysan ou autres individus de passage se rendant d'un village à l'autre. Il y a de grandes distances entre les villages et on ne trouve pas d'auberges ni de fermes, aussi faut-il cheminer des journées entières sans rencontrer personne sauf quelque pèlerin qui va ou revient de Saint-Jacques. C'est pourquoi le pauvre passant qui ne connaît pas l'endroit se perd. Parfois il erre des journées entières. Ce sont, de plus, des contrées où on soupçonne que sévissent des bandits. En effet, on trouve fréquemment des croix plantées dans le sol qui signalent les endroits où on a tué ou bien détroussé quelque pauvre voyageur. Ainsi parfois je tremblai de peur en découvrant un de ces saints calvaires et je me disais en moi-même, "qui sait s'il ne faudra planter pour moi aussi une telle croix ?" Mais, grâce à Dieu, je ne fis aucune rencontre de ce genre et parvins sauf à Saint-Jacques peu de jours après.En revenant à mon voyage, je dirai que j'étais totalement désespéré me trouvant perdu dans ces montagnes jusqu'à ce que je perçoive au loin le crissement d'un char. J'avançai à sa recherche et trouvai un charretier qui m'indiqua le chemin pour Triacastela à vingt milles du Cébreiro. Moi, j'avais déjà parcouru plus de quarante milles durant cette sacrée journée aussi je me mis à la recherche d'une auberge. Je fus accueilli dans une grange où on m'attribua un peu de paille sans presque pouvoir me nourrir de quoi que ce soit ce jour là. Même si j'avais voulu acheter quelque chose avec mon argent, je n'aurais rien trouvé parce que ce sont des villages incroyablement déserts et malheureux. Dans ce lieu, on ne trouve que du pain à base de maïs ; le pain fait de farine de blé est tel une relique. On ne consomme pas de vin car il vient de loin par beau temps seulement. Il est ainsi très cher. Pensez combien doit être bon ce qu'on mène d'un village à l'autre. Il n'y a même pas de bonne eau de source car il n'y a qu'eau de pluie. On ne consomme aucun type de viande hors du poulet et des œufs. Il n'y a ni laitages ni légumes uniquement quantité de navets... Comme fruits, on n'a que des châtaignes et ne parlons pas des mets délicats car ils ne savent pas ce que c'est.Il n'y a ni hôtel ni pension où puisse s'arrêter un étranger. Il est toutefois vrai qu'il n'y a que des pèlerins sur ce tronçon de parcours et si par hasard on a une auberge on n'y trouve que des œufs et du vin et Dieu seul sait pourquoi. Pour le reste, le voyageur doit se coltiner les provisions qui lui sont nécessaires.Le matin du 22 (novembre), je repris mon voyage et le soir je parvins à Portomarín, à trente-six milles de Triacastela (plus de 40km !). C'est un village aux maisons de pierre avec quelques boutiques où on vend divers objets. En son milieu passe un fleuve que franchit un très beau pont. Il y a des poissons en quantité et je pus me rassasier de tout ce qui m'avait manqué antérieurement. Je me rendis ensuite au refuge car c'est ici que je trouvai le premier du royaume de Galice. Il offrait un certain confort et on y distribuait à chaque pèlerin une aumône de deux "cuartos" d'Espagne soit l'équivalent d'une "pubblica" de Naples. Pour dormir, on offrait un lit de paille ce qui me semble être une chose des plus extravagante.Le 23 (novembre) au matin, je poursuivis mon chemin et ce jour, par miracle, je ne me perdis pas dans un bois très épais de châtaigniers. Je rencontrai, par chance, deux femmes qui emportaient des aliments pour les vendre dans un village quelconque. Elles me servirent de guide et me conduisirent jusqu'à Ligonde. À partir de là, elles prirent un autre chemin et moi je suivis le mien. Le soir, j'arrivai à un gros village appelé Melide, à trente-deux milles de Portomarin (39km). C'est aussi un village avec des constructions en pierre. Il y avait un petit couvent de quatre ou cinq moines dominicains où j'obtins l'aumône d'une soupe et aussi quatre ou cinq piècettes. Je n'avais pas vu de ces petites pièces de cuivre depuis Astorga. Je me cherchai pour la nuit un hébergement offert par charité dans une chaumière. Le matin du 24, je poursuivis mon chemin et le soir, je parvins à un village appelé San Marcos, à trente milles de Melide (37km). J'aurais pu arriver à Compostelle la nuit même si j'avais voulu.Mais pour arriver de jour à Saint-Jacques, je demeurai ici le soir venu. Il ne me fut pas possible de trouver auprès de quelqu'un le moindre abri pour la nuit. Pourtant j'allai de maison en maison car il pleuvait à présent et c'est pourquoi je cherchai un toit. Je me vis obligé de rappeler les paroles de l'évangile dans les ruelles pour qu'on me loge. En effet, un pauvre homme sortit avec une bougie à la main et me conduisit vers sa chaumière car le village, en effet, était construit en paille. Il s'occupa de moi avec bien du talent bien qu'il fusse le plus pauvre de l'endroit, avec six enfants qui vivaient dans une misère noire. Je leur donnai tous le pain que j'avais obtenu ce jour-là et ma monnaie. Ils me baisèrent mille fois mains et pieds et je passai une nuit confortable. Ensuite, au matin du mercredi 25 (novembre), je poursuivis le reste du parcours qui manquait pour arriver à Saint-Jacques. Vers huit heures du soir, je parvins à la sainte ville de Compostelle où est enterré le corps glorieux de l'Apôtre Jacques soit à six milles de San Marcos.. |
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Mais, deux milles avant d'arriver en ville, je commençai à apercevoir les clochers. Du coup je me mis à genoux et baisai mille fois la terre. Je me déchaussai complètement et entonnai un chant religieux. Avec empressement, je me mis à avancer vers la ville sainte et en parvenant à la porte ma préocupation se limita à demander comment rejoindre l'église Saint-Jacques. En y parvenant avec l'aide du Seigneur, j'y entrai à toute vitesse et mon cœur fut illuminé de bonheur ainsi que mon esprit, j'avais l'impression d'être monté au ciel. J'avais des tremblements dans les jambes et à travers tout le corps. La tête me tournait. Des yeux, je cherchai ici et là la chapelle du saint glorieux et, voyant enfin le chœur, je fis tout de suite une génuflexion et, le visage contre le sol, je rendis grâce comme c'était mon devoir pour tous les moments particuliers de bonheur qu'il m'avait accordé lors de mon voyage, pour m'avoir rendu digne d'arriver sain et sauf à son sanctuaire et n'en parlons pas, de m'avoir protégé tout au long de ce voyage, somme toute si long, de Naples à Compostelle, deux mille soixante-dix-huit milles sur une durée de cinq mois et quatorze jours. Et il avait été terrible ce voyage, n'importe quel homme courageux aurait désespéré depuis le jour du départ de Naples, le 11 juin, durant la saison la plus chaude de l'année et en pleine pèriode de peste et de guerre. De la Romagne jusqu'à mon entrée en France, je n'ai eu que des problèmes avec tous les ennuis que me firent les troupes militaires et leurs auxiliaires dans divers endroits. J'avais traversé des bois, des montagnes et des plaines terribles et solitaires avec de l'eau et du vent uniquement. La faim, la soif et de mauvaises nuits car je dormis plus souvent dans la nature que sous un toit. Beaucoup de souffrances, rares ont été les périodes où j'ai pu me reposer tranquillement car ce fut généralement à même le sol ou sur de la paille, épuisé à la suite de très longs parcours. Par nécessité je m'efforçais d'avancer jusqu'à quarante milles par jour avec le poids de mon bagage sur le dos. Deux jours par semaine, du pain et de l'eau seulement sans vous dire les autres privations que je m'imposai par dévotion. De nombreuses fois, j'avais frôlé la mort, été arrèté et dévalisé par des bandits et maintes fois, on avait mis des obstacles à mon passage durant mon voyage. Tant et tant de malheurs que je ne peux expliciter dans ce livre et pour lesquels je n'ai pas suffisamment de mots. Bref, on peut dire que de Naples à Saint-Jacques, ce fut toujours pour moi un chemin plein de souffrances et de malheurs pendant lequel j'aurais dû mourir en mille endroits du fait de persécutions. Mais du fait de la toute puissance du Dieu miséricordieux, de l'aide de la très sainte Vierge et de la protection de mon glorieux saint Jacques, je suis arrivé bel et bien, délivré de tous les malheurs qui auraient pu m'atteindre.Ainsi, après avoir proclamé mon amour et avoir remercié mon glorieux saint Jacques, pour mon propre compte et pour celui aussi de tant d'autres personnes dévotes qui m'avaient demandé de prier auprès dudit saint depuis Naples et durant le voyage, je songeais enfin à partir de là et à me rendre au saint Hôpital (des Rois Catholiques). Je m'étais arrêté à l'église depuis huit heures du soir jusqu'au Je vous salue Marie et ne pouvais y demeurer plus. Sinon j'y serais resté toute la nuit car le cœur ne me poussait pas à partir. Comme il faisait déjà nuit, je partis à l'Hôpital où on m'assigna un lit pas très propre et pas de repas car dans ledit hôpital on ne donne pas aux pauvres pèlerins autre chose que trois nuit d'hébergement dans des lits très mauvais. J'y retrouvai la première nuit près de cent soixante pèlerins de différentes nations car il n'y a pas un jour où n'arrivent trente ou quarante pèlerins venant vénèrer le dit-saint. |
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![]() Séjour à Saint-JacquesLe 26 novembre au matin, à peine levé, je retournai à la sainte église, pas encore rassasié de voir la sainte image de mon glorieux saint Jacques. J'y fus du petit matin à midi. Ensuite, un peu fatigué, je partis pour le couvent San Francisco, des Capucins. Le portier me conduisit au réfectoire et me donna à manger fort bien. Ensuite je retournai à l'église Saint-Jacques où toute la journée jusqu'au soir je contemplai et observai les grandes merveilles et curiosités de cette belle église, n'en étant jamais comblé. Finalement, un peu avant minuit, je rejoignis mon Hôpital et on me donna le même lit. Le matin du 27, je retournai à l'église avec la même curiosité pour visiter chapelle après chapelle, recoin après recoin, posant des questions et m'informant de tout auprès des prètres les plus compétents. Chacun me disait une chose et une autre et je mis tout par écrit minutieusement et vous en aurez un rapport complet. À la mi-journée, je me rendis au couvent San Francisco où je fus encore bien traité au réfectoire. Le bon frère portier me dit que chaque fois que je voudrais je pourrai venir et qu'il me donnerait toujours quelque chose à manger. Il ajouta que le couvent était généreux dans ses aumônes. Ensuite je retournai à l'église sans voir aucune nouvelle chose curieuse. Je m'installai seul dans un coin de la chapelle Saint-Jacques et y fus jusqu'à une demi-heure après la nuit tombée. J'y fis soigneusement mon examen de conscience car j'avais prévu pour le lendemain matin une confession générale. Ainsi, après avoir bien réfléchi, je partis à mon hospice habituel où c'était ma dernière nuitée. Le lendemain suivant, je trouvai hébergement dans une auberge pour le restant de mon séjour.Le 28 (novembre), très tôt, je me rendis à l'église et, ayant trouvé un emplacement à l'écart de la foule, j'y restai un moment pensant à ma vie dévoyée dont je devais m'accuser devant mon père confesseur. Le père confesseur franciscain napolitain qui était prévenu depuis deux jours étant arrivé, je me mis à genoux et je commençai à lui dire mes fautes depuis l'âge de raison où on distingue le bien du mal jusqu'à présent. Le bon père endura la situation inconfortable, minute après minute il fut attentif à me faire détailler les tenants et aboutissants. Il me garda quatre heures et un tiers au confessional et m'accorda une absolution totale m'ouvrant l'accès à la sainte table et son pain céleste durant la sainte communion. Je ne partis de cette église qu'à la nuit et sans songer à manger. Une fois dehors et de nuit, je partis retrouver ma chambre comme c'étai convenu avec la patronne de la maison qui s'appelait Maria Crespa, très brave femme, très généreuse et grande servante de Dieu. Il y avait deux autres pèlerins et nous étions tous différents. L'un payait plus, l'autre payait moins et, sans grande dépense, on y était bien. J'étais celui qui payai le plus mais ce n'était que quatre "cuartos" par jour soit deux "grana" et demi (note). De nombreuses femmes assurent cet office d'héberger des pèlerins pour pas trop cher dans des chambres ou des lits avec des matelas de paille mais on trouve aussi des locations confortables et plus propres pour gens de qualité. Je m'alimentai le soir presque en me forçant car j'étais déjà satisfait par l'effacement de mes fautes. Je me sentais tout léger comme un nouveau-né. Il ne me restait pas même un péché véniel comme si je venais de naître à l'instant. |
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![]() La Cathédrale.M'étant levé très tôt le matin du 29, je partis pour l'église pour commencer à vous en décrire, une à une, toutes les merveilles et curiosités qu'on y voit. Je vais le faire jusque dans les détails, mieux que toute personne qui est venue ou qui viendra à Saint-Jacques de Galice et qui voudra l'écrire sur le papier. Les merveilles qu'on voit ici, il ne pourra jamais les décrire avec la même méticulosité que moi je le vais faire car je croirais ces choses impossibles si je les lisais.En premier lieu, je vous informe que cette église est siège épiscopal et qu'elle dispose de superbes revenus avec un chapitre très fastueux et nombreux de six cents prêtres ou plus, avec trois niveaux pour les dignitaires du chapitre. Au premier niveau de dignité, il y a quatorze chanoines. Sept ont le titre de cardinal accordé par les papes Pascal et Calixte Ier avec de nombreux privilèges comme le port de la grande chape prélatice. Quand ils sont en fonction, ils mènent à leur suite tout ce cortège que peuvent trainer les cardinaux premier. Les sept autres sont "Chanoines de Dignité" et occupent les premières charges du chapitre. De second degré, on en compte trente-six, tous mitrés avec chape de couleur pourpre comme c'est l'usage à Naples. Ils bénéficient aussi de vastes privilèges. Il y a quarante-huit chanoines du troisième degré sans mitre, mais avec des chapes longues et d'autres distinctions.Tout le reste est constitué de curés, prêtres, chapelains, diacres, clercs et autres assistants qu'on voit au quotidien dans l'église, un total qui arrive à quelques deux cents membres du clergé présents en fonction des règles qu'ils suivent mais, les jours de fêtes solennelles, tout le chapitre doit être là. Ainsi on ne peut circuler dans l'église sans entendre toutes les voix de ces prêtres qui forment divers chœurs dans plusieurs chapelles. En s'en allant, on en est assommé comme par une taloche.De plus, dans la chapelle du chœur où repose le corps glorieux de saint Jacques, on ne peut célébrer la messe à moins d'être l'un des quatorze chanoines ou l'archevêque. Il s'agit, selon le privilège accordé par le Pape Calixte et confirmé par bien d'autres saints pères, des chanoines ayant titre de cardinaux et les sept chanoines de Dignité. Sur cet autel sont dites trois messes chantées le matin. Les chanoines dignitaires des trois niveaux de dignité du chapitre : le premier, le second et le troisième degré, célèbrent la messe dans le chœur mais pas au grand autel, sur un autre autel, plus en avant, qu'on installe et qu'ensuite on enlève. Quand un prêtre étranger ou un évêque ou un archevêque quelconque demande par dévotion à célébrer la messe dans la chapelle Saint Jacques, on lui installe aussi un autel en avant de l'autre comme déjà indiqué. Là il dit la messe mais rappelons que, sur le maître autel, seuls les quatorze chanoines et l'archevêque de ce chapitre célèbrent la messe.La chapelle Saint Jacques est située au milieu de l'église, de même que le coro ou chœur des chanoines (note). Derrière et autour, sur les côtés, on peut circuler. Les deux se font face et sont fermés par des grilles de fer empêchant l'entrée des laïcs. Dans la chapelle, on peut parfois entrer de jour. Bien qu'on puisse tout voir de l'extérieur, c'est ainsi clos par des grilles en fer pour que les gens restent à l'écart. Tous voudraient bien venir baiser l'image de saint Jacques. Cette image est au dessus du maître-autel. Sa taille est celle d'un homme, entièrement d'argent massif et non de plaques. Il est représenté comme assis sur une chaise d'argent elle aussi. Il est habillé comme un pèlerin avec tous les vêtements qu'ils arborent. L'autel est entièrement revêtu d'or et d'argent. En avant et à la périphérie de la chapelle, il y a quarante-huit lampes en argent épais, vingt-quatre lustres en forme d'araignée, douze cornes d'abondance et six candélabres, quatre de douze aunes de haut et deux de dix-huit et je ne dis rien de la grosseur du corps. Tous ces objets procèdent de dons réalisés par des dévots de saint Jacques. Les lampes de six candélabres qui sont sur l'autel restent allumées nuit et jour.On m'a dit en outre que le corps du glorieux saint Jacques reposait au dessous du maître-autel et que personne ne pouvait le voir. Il y a un siècle ou avant, tout le monde pouvait voir le corps très saint et sa tête ; mais, du fait de la frivolité des temps modernes, le saint ne voulut plus se montrer à personne. Ainsi, un certain Marcelo, archevêque de cette ville perdit la vue en voulant satisfaire sa curiosité en descendant à la crypte. Ce fut un traumatisme en ville, une énorme secousse sismique. À partir de ce moment, on construisit la porte du tombeau qu'on n'ouvre qu'une fois tous les dix ans, les années saintes, (note). car sachez qu'on a ici une année sainte comme à Rome. On y gagne les mêmes indulgences. Des gens viennent de partout comme il en vient à Rome, pas moins et on y visite des reliques et des corps saints plus qu'à Rome. On procède à la même cérémonie d'ouverture de la porte sainte à minuit le premier jour de l'année. Ce jour là, on ne voit pas davantage le corps. Au bas d'un escalier de six marches, on avance dans un couloir de huit à dix pieds jusqu'à une grille de fer. On ne va pas plus loin. De la porte à claire-voie, on aperçoit l'intérieur du saint tombeau mais on ne voit qu'une lumière qui provient de l'église en haut, par un trou. Les clés de cette porte sont déposées à Rome, aussi on ne voit rien d'autre que la statue d'argent de saint Jacques sur le maître-autel comme je l'ai déjà indiqué.Derrière le dit maître autel, il y a deux petites portes, une du côté droit et une autre du côté gauche. On ne les ouvre que durant deux heures le matin et deux heures dans la mi-journée. Elles permettent aux pèlerins de monter embrasser la sainte image de saint Jacques qui est disposée au dessus du maître-autel. Si on n'est pas pèlerin, on ne peut monter. Toute personne, qu'elle soit riche ou de grande noblesse ou grande dame ou prêtre ou évêque, même le roi, ne monte pas si elle ne porte pas sur elle un signe quelconque de pèlerin, car c'est un privilège réservé aux pèlerins créé par le Pape Calixte et confirmé ensuite par de nombreux autres papes. Par la porte de gauche, on monte et par celle de droite, on descend. Il y a douze marches à gravir et douze autres à descendre. Une seule personne peut s'engager à la fois car le passage est étroit. En haut de l'escalier, il y a un replat disposé juste à l'arrière de la statue de saint Jacques. À cet endroit, il y a toujours deux clercs qui montrent comment doivent procéder les pèlerins bien qu'ils soient plutôt là pour surveiller les ornements précieux et diriger les gens. Ainsi, quand je montai pour la première fois, je fis comme je vis les autres faire. La coutume est de mettre son chapeau sur la tête de la statue du saint. Ayant exécuté cette opération et déposé mon chapeau sur la tête et touché le sien, je fis de même avec mon bourdon, ma musette et ma besace. Je couvris un bref instant le saint apôtre Jacques de chacun de mes vêtements de pèlerin que j'avais ôtés pour les récupérer immédiatement. Ensuite, on embrasse la sainte image en se recommandant au saint comme on en avait l'intention. Tout de suite je fus reconduit par lesdits clecs qui m'aidèrent à descendre par l'autre escalier à droite pour faire place aux autres pèlerins qui suivaient de près. Je fis cette opération à la mi-journée et le matin durant tout mon séjour ici. Il me semblait y gagner grandement en dignité car ce n'est pas un petit privilège que celui dont jouissent les pèlerins. |
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Le coro ou chœur des chanoines est, comme je l'ai dit, situé au milieu de l'église. On peut le contourner par l'arrière et ses stalles sont superbes avec trois rangs de sièges selon le grade des chanoines : le premier, le deuxième ou le troisième outre les distinctions qui peuvent exister avec les prêtres de messe. L'archevêque a son dais et, partout, on ne voit qu'or et argent. De plus, à l'intérieur de cet espace, figurent deux riches, magnifiques et vastes buffets d'orgues qui, quand ils résonnent, se font entendre, chose incroyable, dans une bonne partie de la ville.À l'avant des stalles des chanoines, il y a une petite colonne de bronze où on prétend que se trouve le bourdon, c'est-à-dire le bâton qu'utilisa l'Apôtre Jacques. La colonne a un petit trou par lequel on peut introduire le bout de quatre doigts de la main. En mettant ses doigts dans ce trou, on touche le bâton, mais on ne le voit pas parce que la colonnette est fondue d'une seule pièce et sans clef. En faisant l'attouchement, on gagne de nombreuses indulgences.En avant du maître autel, au dessus de la grille de fer, il y a un petit crucifix où est peinte l'image de Jéus-Christ. On dit que cette croix était utilisée par l'apôtre saint Jacques quand il repoussait les maures d'Espagne. En adorant cette Croix, on gagne de nombreuses indulgences accordées par Pie V.À l'arrière du coro, il y a un autre petit crucifix avec l'image du Christ Notre Seigneur, qui figure la tête inclinée et qui, en 1500, adressa la parole à un chanoine qui menait une vie sainte. Alors que ce chanoine était en adoration devant ce portrait, Il lui parla et ensuite l'image garda le sourire aux lèvres et la tête inclinée. Par la suite, de nombreux miracles se produisirent et il continue à y en avoir chaque jour. On voit de nombreux ex-votos d'or et d'argent déposés pour ces miracles. En adorant ce crucifix, on gagne de multiples indulgences et le peuple lui porte une grande dévotion.Encore plus en arrière dudit chœur des chanoines, sur la droite, se trouve la chapelle du Trésor, c'est à dire celle des Reliques. C'est un grand magasin d'exposition qui ouvre deux heures le matin et deux heures à la mi-journée. Il y a un premier, un second et un troisième trésorier. Chacun dispose d'un jeu de clés. Quand c'est ouvert, l'un de ces trésoriers doit aider à voir toutes et chacune des reliques exposées. Ladite chapelle est pleine de nombreux corps de saints sans parler des multiples têtes, jambes, pieds, mains, doigts, bras, viscères, ampoules de sang de martyrs. Il y a notamment une petite ampoule avec du sang de saint Janvier de Naples et deux ampoules remplies l'une de lait de la poitrine et l'autre de larmes qui jaillirent des yeux de la Vierge sur le corps de son Fils très saint. Il y a aussi des cheveux et des vêtements de la Vierge au milieu de tant et tant d'autres reliques comme il peut y en avoir à Rome ou même à Jérusalem. Ce sanctuaire de Galice est l'une des trois basiliques de la chrétienté : Rome, Jérusalem et Saint-Jacques de Galice. Les trésoriers eux-mêmes disent que les indulgences accordées à Rome et à Jérusalem sont obtenues pareillement à Saint-Jacques de Galice car ce fut le premier apôtre à mourir après la mort de Jésus-Christ. Dans cette chapelle ne peuvent entrer que les pèlerins. Ils bénéficient du même privilège qu'à la montée derrière le maître-autel de Saint-Jacques instauré par le Pape Calixte et par Pie V. En ouvrant une première porte, on tombe sur une grille de fer au delà de laquelle le commun des mortels ne peut avancer - Il s'agit de ceux qui ne portent pas sur eux un insigne de pèlerin - Mais hormis la grille on voit tout. Tous les pèlerins peuvent entrer et le trésorier fait faire la visite et montre en détail chaque relique. Il les donne à baiser presque toutes, donne à toucher les couronnes et fait faire les autres gestes de dévotion qu'effectuent les pèlerins. Il explique précisément ceci et cela et ici est tel saint et voilà tel crâne et telle relique. De plus, on donne un imprimé avec la liste de toutes les reliques conservées. Dans cette chapelle, on gagne des milliers d'indulgences attribuées par de multiples souverains pontifes. Durant tout mon séjour, j'y allai le matin et à la mi-journée.En sortant dudit Trésor il y a une chapelle de la Vierge des Douleurs appelée ici Nuestra Señora de la Piedad. C'est une Vierge miraculeuse entourée de nombreux ex-votos que ses dévots ont installés suite à des miracles dont ils ont bénéficié. On parle d'elle partout et on obtient ici beaucoup d'indulgences.Ensuite, dans la chapelle des Âmes du Pugatoire, on trouve d'autres reliques et on voit un monument d'un certain Henri de la vieille famille Tocco Bono, fondateur de cette chapelle et de l'église du même nom. Ce fut le premier qui expulsa les maures d'Espagne. On représente souvent saint Jacques sur un cheval blanc et une épée à la main. Il est à la tête d'une armée qu'il mène comme voulait le faire Henri. Dans ce but, ce fut le premier à édifier ce grand temple et il fit sa chapelle avec son tombeau entouré de murs où figurent la description de toutes ses conquêtes et l'aide qu'il obtint de saint Jacques. Dans la chapelle, on acquiert beaucoup d'indulgences. Ainsi celui qui y fait célébrer une messe sort une âme du purgatoire, l'âme la plus aimée. Dans la chapelle de l'Immaculée Conception, il y a de nombreuses reliques et on y gagne de grandes indulgences concédées par le Pape Calixte. La chapelle fut fondée par Alfonso Porras, premier archevêque de la ville. |
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Derrière le maître-autel se trouve la chapelle du Saint Sacrement fondée par Saint Louis, (note) roi de France, somptueusement décorée et où les indulgences sont nombreuses. Plus sur la droite, à l'entrée de l'église, il y a une suite de six marches qui donnent sur une chapelle de l'Ange Gardien fondée par Philippe II, roi d'Espagne et richement dotée et délivrant plein d'indulgences. Il n'y a pas de chapelle qui n'abrite des reliques et dans toutes on obtient des indulgences, on s'y recueille pour le pardon et l'absolution de tous ses péchés.Il faut que je vous dise que le 30 au matin, je montai au sommet du clocher pour voir diverses curiosités et merveilles. Il y a premièrement une cloche de trente trois empans (6,60m !) de circonférence fournie par saint Louis, roi de France. Le battant a trois trous avec trois chaînes. Pour la faire tinter, il faut trois personnes. On ne peut la faire sonner à la volée tant c'est extravagant. Cette cloche tinta toute seule quand saint Jacques fit le miracle du pèlerin innocent qu'on allait pendre à Santo Domingo de la Calzada. Elle fait divers autres miracles, ainsi une personne qui souffre de maux de tête, la touche du front et sa douleur disparaît à l'instant. Pour les femmes qui ne peuvent accoucher, il suffit qu'on fasse tinter trois fois cette cloche et elles sont délivrées immédiatement. On obtient ici de nombreuses indulgences du Pape Pascal II. Il y a dix-sept cloches petites et grandes mais rien de particulier dans le clocher car, à l'époque, on était en train d'élever deux tours nouvelles, d'un coût énorme, aux deux angles de l'église.Et d'ici, en haut, je vis une autre merveille assez miraculeuse qui se situe juste au dessus de la coupole du chœur où repose le corps de saint Jacques. Il y a un grand bloc de marbre avec un trou en son milieu juste assez large pour le passage d'un homme. Presque tous les pèlerins doivent y passer parce que les confesseurs donnent en pénitence le passage ou le double passage par ledit marbre troué et disent qu'on y gagne de nombreuses indulgences. Ils ajoutent que lorsqu'on n'a pas fait une bonne confession et qu'on ne mérite pas les grâces du saint pèlerinage à ce sanctuaire très saint, on ne peut passer bien que le trou soit assez grand mais il devient très petit. Personne toutefois ne se souvient qu'un tel évènement se soit produit pour quelqu'un quoiqu'en disent les confesseurs. Pour ma part, j'y suis passé et repassé trois fois par jour tout au long de la durée de mon séjour. Chaque fois ce fut toujours aisément la première fois et les suivantes et nous étions parfois huit ou dix pèlerins qui passions sans encombre. Ce qui m'émerveillait, c'est que moi, plutôt petit, je passais et pareillement un autre de forte taille tel un Lelo Caraba. Cette chose remplissait d'admiration tout le monde.Il faut que je vous dise que dans cette église, il y a quarante-huit chapelles et que dans ces chapelles il y a cent vingt-six lampes allumées quotidiennement et dix-huit lustres et seize cornes d'abondance et trente angelots tout en argent. Les jours de grande solennité, c'est une tout autre pompe particulièrement durant les années saintes qui arrivent une fois tous les dix ans. Il y a huit portes soit quatre petites et quatre grandes qui se trouvent sur les quatre façades. Côté porte principale, six escaliers permettent de monter et en face, quatre de descendre. De l'autre côté, qui donne vers la façade de l'Hostal (Nord), on accède par quatre escaliers et sur celle d'en face, (Sud) on entre de plein pied.Il faut enfin que je vous dise que cette église est magnifique, grande et belle, presque plus grande que l'église nouvelle du Jésus de Naples mais mieux conçue. Elle comporte six nefs en croix, trois partent de la façade de l'Hostal (des Rois Catholiques) avec de grands pilastres et grosses colonnes avec les chœurs du maître-autel et des chanoines au milieu de l'église mais, à la périphérie de ces chœurs, on circule dans toute l'église. Le pire est qu'elle est un peu humide et obscure du fait de l'espace occupé par les colonnes et pilastres faits entièrement en très vieille pierre. L'église est comme une île sans aucune maison mitoyenne sauf le Palais épiscopal établi par Calixte II qui transféra le siège de l'archevêché de Mérida à cette ville de Compostelle. Il y a, de plus, deux très belles façades, une du côté de l'Hostal et l'autre du côté des Orfèvres (Platerias, nord). Les deux autres que prolongent divers palais sont très anciennes. |
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![]() La ville.La ville est grande et compte près de 50.000 âmes mais elle est mal située car il y a peu de place pour la circulation des carosses. Elle s'appelle Compostelle et est très riche, pleine de commerçants et de nombreux habitants de la noblesse. Il y a un grand mouvement d'étrangers surtout un grand nombre de pèlerins qui viennent passer la journée pour honorer le saint Apôtre protecteur des Espagnes. Il y a de nombreux couvents et monastères et parmi eux le couvent de San Benito, un couvent royal, dont les richesses sont immenses et qui compte trois cent moines. Il y a le monastère Santa Clara et celui de la compagnie de Jésus, monastère royal aussi. Ils ont de gros revenus et de nombreux privilèges. Les trois derniers mentionnés distribuent d'importantes aumônes. Il y a six collèges universitaires, un grand hôpital fondé par Philippe II et rénové à grands frais par Philippe V. C'est un grand bâtiment de facture assez notable qui attire de nombreux spécialistes de toutes les sciences. |
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Tous les couvents sont de très bons serviteurs de Dieu faisant preuve d'amour des pauvres et en particilier des pèlerins. Les monastères et les autres maisons riches ont coutume de distribuer des aumônes. Le couvent de San Francisco (franciscains) commence à la première heure du jour et celui de Santo Domingo (dominicains) termine l'après-midi, à l'heure de l'Ave Maria. Tous distribuent à manger quelque chose de cuisiné mais celui qui donne le plus de soupe, viande et pain est le couvent de San Benito. Tous ont l'habitude lors de ces distributions charitables d'avoir plus de bienveillance pour les pèlerins qu'envers les pauvres nationaux bien que leur nombre soit considérable. Les chanoines ont l'habitude de faire l'aumône à presque tous les pèlerins mais on tend la main à l'extérieur pas dans l'église. En général, au Palais épiscopal, tous les matins, on distribue des aumônes à tous les pauvres mais les pèlerins étrangers recoivent beaucoup plus que les nationaux. Ainsi, chaque matin, j'avais quatre cuartos soit trois grana moins deux cavalli. Je recevais en plus quelques piécettes de messieurs les chanoines.Pour se nourrir, la situation était très satisfaisante car, en plus des aumônes distribuées par les monastères et les particuliers, je pus manger plusieurs fois aux réfectoires de divers couvents. Il y a de très beaux palais et des rues pavées avec de l'eau excellente. Les aliments en tous genres sont abondants. Tous à bas prix. Il y a en quantité du poisson bien que la mer soit assez loin, du côté nord où est la capitale du royaume de Galice, dont le nom est La Corogne. C'est la résidence du vice-roi, à pas plus de dix lieues (65km). De là vient le poisson pêché dans l'Atlantique. Il vient également de l'autre côté, du midi vers le Portugal, d'une ville appelée Padron à pas plus de quatre lieues. De cette zone arrive en abondance le poisson pêché dans l'océan à l'ouest. Le voyageur ne peut aller plus loin car ici finit la terre. Il n'y a pas plus de quatre lieues de terre vers la mer occidentale et, une fois là, il faut faire demi-tour ou se diriger vers le Portugal ou le pays basque. En avant, il n'y a que la mer. |
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![]() Les EspagnolsComme la fin de ce livre approche, je veux vous faire connaître les particularités des Espagnols, puisque je fis la traversée du pays de part en part, à pied.Vous devez savoir que l'Espagne est moins peuplée que la France mais plus vaste. Elle s'étend d'un seul tenant du Golfe du Lion en Méditerranée jusqu'à la partie la plus occidentale de l'Europe. Elle est soumise à un climat tempéré et, de ce fait, bénéficie d'une salubrité parfaite, semblable dans toutes ses parties. L'altitude y est pour beaucoup, elle évite la stagnation de l'eau dans des marécages ; aussi les prairies sont parfaites et le bétail est plus gros et de la meilleure qualité. De tous côtés, il y a des mines de métaux divers. De nombreuses rivières l'arrosent charriant des sables aurifères et elles sont navigables. La campagne n'est pas très cultivée par les paysans du fait de la faible population et de sa grande paresse. Ils sont bons chrétiens et n'ont jamais permis la contamination du royaume par l'hérésie.Les Espagnols sont d'un tempérament chaud mais austère, ils ont un visage pâle et les femmes sont toutes laides et de petite taille. Ils sont circonspects dans leurs paroles et se croient tous nobles et sont graves dans toutes leurs actions. Ils font preuve de bravoure surtout durant les guerres et particulièrement dans l'infanterie qui utilise de grands stratagèmes. Ils ont une grande finesse d'esprit et, devant les tribunaux, ils multiplient les considérations théoriques et se montrent cérémonieux. Leurs universités produisent des hommes extrêmement savants. La gravité qu'affichent les étudiants avec leurs titres grandiloquents est risible. Notre Italie a adopté dans une large mesure leur coutume de faire de tout le monde des messieurs. Ils sont très fidèles à leur souverain mais il y règne une grande misère. Aux confins de ce royaume, on trouve à l'occident le Portugal, au nord l'océan Atlantique et le golfe de Gascogne ainsi que les Pyrénées qui le séparent de la France. Le reste est bordé par la mer.On prétend que les auteurs divisent l'Espagne en quatorze régions regroupées au sein de trois royaumes à savoir la Castille, l'Aragon et le Portugal qui toutefois a son propre roi. Les treize autres régions sont gouvernées par des vice-rois, à l'exclusion de la Vieille et de la Nouvelle Castille où réside le roi d'Espagne lui-même. |
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![]() AnniversaireComme vous le savez certainement, la Saint Nicolas se fête le 6 décembre et c'est mon prénom. Je voulus célébrer ma fête comme j'avais eu coutume de le faire antérieurement et en vue de quoi j'avais conservé huit ou neuf ducats (note) que j'avais accumulés sur les aumônes de mon voyage. J'invitai tous les pèlerins italiens qui logeaient dans ma pension ou résidaient autre part et j'ajoutai le patron et la patronne de la maison ainsi que quelques membres de leur famille. Nous fûmes vingt personnes à dîner avec musique de tambourins, fifres et trompettes, des feux d'artifice, quelques brasiers et trente lanternes de papier placées tout autour de la pension. Toute la rue était illuminée comme on le fait dans les petites fêtes à Naples avec beaucoup de gaîté des jeunes gens qui criaient "Viva, vive monsieur Nicola, vive saint Nicolas et vive Naples !". Juste comme on fait à Rome, la veille de la Saint Pierre sur la place Farnese où tous clament : "Vive Naples, vive le roi de Naples !" Car pour ces gens, l'illumination par des lampions et des foyers était une chose merveilleuse et ici ce n'est pas l'habitude. C'était une belle nuit et plein de gens de la ville vinrent voir ; de plus à l'intérieur de la maison, j'avais monté un petit autel avec un tableau de saint Nicolas, des décorations et des bougies. Je fis en sorte que deux ecclésiastiques y chantassent le Salve Regina. J'avais également installé un siège qui était disposé comme sous un baldaquin pour me permettre de recevoir l'hommage de mes compagnons pèlerins, mais d'eux seuls. Nous chantâmes également un Te Deum laudamus et ensuite nous dînâmes. Ce fut un dîner avec de la viande en abondance car on était mercredi. Il y eut entre autres choses pas mal de vin, car il n'était pas cher et nous passâmes un joyeux moment. Sur les quatre-vingt six carlins que j'avais mis de côté, il ne me resta qu'un seul centime (un quattrino) tant ils voulurent arroser la soirée.Ainsi, au matin du 7, il n'y avait personne qui ne me demandât dans la rue et à l'église, si j'étais bien le pèlerin qui avait organisé cette fête la veille et tous ajoutaient "longue vie à vous !" et je crois que le souvenir de cette fête est resté. |
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![]() ItinéraireEnsuite, le matin du 8 (décembre), fête de l'Immaculée Conception, je fis à nouveau ma confession et j'eus la chance de voir le corps du Pape Pascal II, souverain pontife, grand bienfaiteur de cette église, qu'on voit conservé dans une boîte de verre à l'intérieur d'une autre en marbre. On ne le voit que ce jour-là dans la chapelle des Âmes du Purgatoire. On obtient de multiples indulgences.Je vous dirais aussi que, de Naples à Saint-Jacques, en suivant les règles de décompte des milles au jour le jour que j'ai imaginées, j'arrive, en faisant l'addition, au nombre de deux mille soixante-huit milles. Je les ai couverts en cinq mois et dix-sept jours, mais seulement trois mois et quatre jours sur les chemins (soit plus de 30km par jour - voir note plus bas). En effet, durant deux mois et treize jours, je pris du repos dans divers lieux, car parfois je me suis arrêté. Mais vous devez savoir que pour le voyage que moi j'ai fait, ce sont ces milles ; car je n'ai jamais suivi le chemin direct. Je l'ai souvent abandonné en plusieurs endroits. J'ai dévié, soit par commodité, soit par goût ou encore pour éviter les défilés ou parce qu'il y avait la peste ou la guerre ; ainsi on me refusa, en premier lieu, le passage au Piémont et je dus suivre le chemin de Milan à Gênes, puis celui de la Riviera, de Provence, du Languedoc, de Catalogne, celui de Madrid, puis de Madrid à Léon. Ce furent des chemins qui me détournaient de centaines de milles mais par contre, de Léon à Saint-Jacques, je pris le chemin direct.Le vrai chemin direct qu'on doit suivre pour aller de Rome en Galice passe par Florence, Milan, le Piémont, Lyon en France, Paris par la route de Bourgogne et Saint-Jean-de-Luz. Là, on entre en Espagne par le pays basque à proximité de la Galice. Ainsi on va toujours tout droit (note) et on parcourt mille six cent soixante-six milles. On s'épargne quatre cent douze milles. C'est l'itinéraire que suivent les pèlerins et la poste, mais il y a continuellement des chaînes de montagnes affreuses et dépeuplées. Par contre, je peux vous dire que le voyageur réalisera le trajet que j'ai décrit commodément en six mois, aller et le retour. |
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![]() ConseilsJe ne veux pas oublier avant de terminer ce livre d'énoncer clairement quelques recommandations pour un pèlerin qui voudrait prendre avec lui ce livre comme guide, sachant que j'ai été, moi, un marcheur solitaire. On sait bien qui nous a fait du tort, mais on ne sait pas qui va nous faire du tort.Ainsi le :
Et ici prennent fin les conseils de votre dévoué Albani, bien qu'il y ait encore beaucoup à dire. Cela suffira pour cette fin du livre qui ne couvre que le voyage commencé à Naples et terminé à Saint-Jacques de Galice, car ce premier tome ne parle que de ça. Le retour de Saint-Jacques, je l'aborde dans le second tome qui s'achève à Naples et où je décris avec détails mes aventures et où je termine.En annexe, je fais figurer le tableau des distances, de village en village, entre Naples et Saint-Jacques, avec les noms, les villes, châteaux, bourgs, auberges. C'est l'itinéraire détaillé que j'ai suivi, avec les particularités qu'on peut mettre sur le papier. |
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